Selon une étude publiée mercredi dans le Journal de l'Association médicale américaine (JAMA), les antidépresseurs ne sont pas plus efficaces qu'un placebo pour traiter les dépressions légères à modérées, qui représentent plus des deux tiers des cas de dépression.

Après avoir analysé les dossiers de 718 patients, qui avaient participé à des études d'essais pour plusieurs types d'antidépresseurs, les sept chercheurs en arrivent à la conclusion que «les effets réels des médicaments étaient inexistants ou négligeables parmi les patients qui présentent des symptômes légers ou modérés. Cependant, pour les patients présentant des symptômes sévères, les effets des médicaments étaient importants. Quant aux patients qui souffrent des formes de dépressions les plus sévères, les effets des antidépresseurs étaient nettement supérieurs à ceux du placebo».

Dans toutes les études d'essais, on mesurait d'abord la sévérité de la dépression chez chacun des participants. Ils étaient ensuite divisés en deux groupes. Un groupe recevait un antidépresseur. L'autre groupe, un placebo. Les patients étaient tous rencontrés sur une base hebdomadaire pendant six semaines.

Le psychiatre et psychopharmacologue Pierre Landry, qui travaille à l'hôpital Louis-H. Lafontaine, accueille les résultats de cette étude avec prudence. «Oui, c'est vrai, les antidépresseurs ont peut-être davantage leur place pour traiter les dépressions sévères. Mais ce n'est pas tout le monde qui peut se payer ou qui est prêt à se rendre à des rencontres hebdomadaires avec un thérapeute. Un antidépresseur, ça peut aider ces patients.»

Le Dr Landry croit que l'étude publiée dans le JAMA peut également souffrir d'un biais. «Les patients à qui on administrait un médicament placebo, dans ces études sur les antidépresseurs, ils étaient rencontrés chaque semaine. Ces rencontres pouvaient aider les gens à verbaliser.» Sans ces rencontres, l'état des patients souffrant de dépression modérée aurait peut-être empiré, estime-t-il.

«Et si on regarde les gens dont l'état s'est amélioré avec le placebo après ces six semaines, le nombre de rechutes est élevé. Une dépression, ça peut s'étendre sur des mois.» Dans les études réalisées sur de larges populations, lorsque l'utilisation d'antidépresseurs diminue, le taux de suicide augmente, fait valoir le Dr Landry.

Douze semaines

Au Québec, en 2005, 7,5 millions d'ordonnances d'antidépresseurs ont été faites, un million de plus qu'en 2001.

Pourtant, l'étude publiée cette semaine dans le JAMA n'est pas la première qui expose les limites des médicaments dans le traitement de la dépression, souligne le Dr Hani Iskander, chef médical à l'unité des soins intensifs de l'hôpital Douglas. «Le taux de succès du traitement d'une dépression est de 60% avec les médicaments. Et si on les couple avec une thérapie, on grimpe à 85, 90%. Mais pour une dépression légère, il est clair que l'antidépresseur ne sert pas», observe-t-il.

Sauf que dans la vraie vie, les psychologues du réseau public sont très peu accessibles et offrent souvent des thérapies beaucoup plus courtes que les 12 semaines nécessaires pour traiter une dépression. Quant aux services dans le privé, ils coûtent cher. «Mais à long terme, la psychothérapie est moins dispendieuse que les médicaments d'environ 30%, observe Martin Drapeau, vice-président de l'Ordre des psychologues. Socialement, il va falloir se poser des questions. Une psychothérapie, c'est moins coûteux et plus efficace dans le traitement d'une dépression. Pourquoi n'est-elle pas remboursée par l'État?»

Chose certaine, conclut Pierre Landry, il ne faudrait surtout pas que cette nouvelle étude décourage les gens de consulter leur médecin s'ils ressentent les symptômes d'une dépression. À l'heure actuelle, 80% des patients atteints de dépression ne consultent pas.