Dans un hangar, des clients s'entraînent à la dure. La routine de Rocky Balboa? C'est du bonbon. Ici, on donne des coups de massue sur une roue de tracteur, on saute à pieds joints sur des blocs de bois, on exécute des tractions à la barre, on balance des poids ronds au bout de nos bras, on fait des sprints. L'entraînement est si rapide et si intense qu'on se retrouve en moins de deux le coeur au bord des lèvres.

«On va toujours au bout de nos limites; l'entraînement peut être très intense, indique Natasha Beaulieu, 26 ans, adepte depuis six mois. Quand on termine une séance, l'adrénaline est dans le tapis et on est très fier de ce qu'on vient d'accomplir.»

 

«Quand on commence, on a la piqûre. C'est un entraînement varié et fonctionnel, conçu pour nous aider dans nos tâches quotidiennes», résume Jacques Ambroise, policier et propriétaire de CrossFit Montréal, ouvert en 2006.

Au Québec comme ailleurs, les centres d'entraînement CrossFit poussent comme des champignons. Il y aurait actuellement 1500 centres dans le monde, alors qu'on en comptait seulement 18 en 2005.

Tout a commencé sur le web en 2001. Ancien gymnaste, Greg Glassman enseignait déjà la méthode aux policiers de Santa Cruz. Il a lancé un site internet à partir duquel on peut télécharger des séances d'exercices à faire à la maison. Ça a fait boule de neige et une communauté virtuelle s'est rapidement formée autour de celui qu'on appelle Coach.

N'ouvre pas un centre de CrossFit qui veut. Les propriétaires doivent payer un droit d'affiliation annuel et les entraîneurs doivent être formés par CrossFit. Des séminaires sont offerts partout sur la planète: de Montréal à Stockholm (Suède), en passant par Gauteng (Afrique du Sud), Okinawa (Japon) et Bogota (Colombie). Les séances affichent complet jusqu'en mars.

Pourquoi ce grand intérêt? «Parce que les résultats sont rapides et spectaculaires, et parce que les gens en ont marre du gym traditionnel, répond Jacques Ambroise. Chaque jour, on propose un entraînement différent. Les clients aiment être surpris.» Les entraînements, qui durent en moyenne 20 minutes, conviennent aux gens débordés.

Efficace? On a demandé l'avis de François Lecot, professeur de kinésiologie à l'Université de Montréal. «Ça fonctionne. Je compare cette méthode au boot camp. On travaille surtout en endurance et en force musculaire. Comme on n'a pas de repos entre les stations, le système cardio-respiratoire est aussi sollicité. C'est comme un entraînement deux dans un. Mais est-ce vraiment pour tout le monde?»

Performance à tout prix?

Malgré l'engouement, le CrossFit a ses détracteurs. On dénonce sa philosophie machiste, axée sur la performance. Il faut «donner son 110%». Tout est chronométré. Les mascottes? Pukie, un clown qui vomit, et Rhabdo, un autre clown dont les reins sortent du corps. Le New York Times relate que des recrues mal préparées ont été hospitalisées après un effort intense causant une rhabdomyolyse (d'où le nom de la mascotte!). Il s'agit d'une destruction des cellules musculaires pouvant entraîner un arrêt cardiaque, voire la mort.

Adepte depuis deux ans, Martin Foisy, pompier de 40 ans, reconnaît que l'entraînement est très intense. «Certains pensent qu'ils sont bien entraînés. Ils essaient le CrossFit et ils en bavent. C'est un deuxième niveau d'entraînement. Tout est adapté selon la forme de chaque personne, mais on se donne tous à fond. J'adore ça.»

Chez CrossFit Montréal, on assure que l'entraînement est sûr. «La porte est ouverte à tous. On a des clients âgés de 8 à 64 ans. On s'assure que chacun respecte ses limites, insiste Jacques Ambroise. Les personnes qui ont des problèmes particuliers doivent obtenir l'accord de leur médecin.»

«Ça reste un entraînement violent, souligne François Lecot. Est-ce qu'on ne devrait pas avoir une préparation initiale à ce type d'entraînement? Si on n'est pas en forme, nos muscles ne pourront pas nous supporter et bien s'aligner. Les risques de blessures sont alors importants.» C'est pire lorsque la technique fait défaut. «J'ai vu des gens qui faisaient des mouvements inappropriés, qui pouvaient causer des hernies discales. On sous-estime la complexité de certains mouvements d'haltérophilie qui font partie du système CrossFit. Les gens doivent être bien guidés par des entraîneurs compétents.»

Chez CrossFit Montréal, la phase d'introduction, cinq séances, est obligatoire. «Les gens doivent maîtriser les techniques de base avant de pouvoir les exécuter en vitesse et en intensité, souligne Jacques Ambroise. Ils progressent de façon sécuritaire. Peu à peu, on augmente les charges et la vitesse.» Chaque jour, on propose un entraînement en trois versions: débutant, intermédiaire et avancé. «J'ai débuté au bas de l'échelle en raison de problèmes de genoux. C'est exigeant, mais je progresse à mon rythme», assure Natasha Beaulieu.

«CrossFit attire des clients qui, autrement, ne trouveraient peut-être pas la motivation de bouger, pense François Lecot. Les exercices variés sortent de l'ordinaire, mais il faut aimer l'entraînement de type militaire. L'important est de bouger, et ce, en toute sécurité.»