Entre «médecins conseillers» ou «infirmières», un panonceau insolite s'est glissé dans le couloir du service d'oncologie de l'hôpital de la fondation Saint-Joseph à Marseille en France, où des malades viennent soigner leur cancer: «Esthétique».

«C'est pour que l'on comprenne bien qu'il n'y a pas que les praticiens qui s'occupent des malades», explique le Dr Hervé Perrier, chef du service, qui accueille depuis juin l'association «Beauté-détente du corps et de l'esprit».

Les soins de support -- diététique, assistante sociale, oncopsychologie etc -- se sont développés depuis 2003 avec le plan cancer dont la nouvelle version doit être détaillée lundi à Marseille par le président Nicolas Sarkozy.

«Nous aidons les patients, souvent des femmes atteintes d'un cancer du sein, à retrouver du bien-être, une estime de soi», dit Nathalie Riguel, 30 ans, esthéticienne de métier.

Nathalie et Nicole Debono, 67 ans, une retraitée qui cherchait une activité humanitaire et s'est formée aux soins des mains et des pieds, travaillent avec l'accord des équipes médicales.

Elles commencent en 2003 dans une clinique puis signent en 2005 une convention avec l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille: elles interviennent à La Timone en oncologie médicale avec le professeur Florence Duffaud, et Nathalie a formé des infirmières au pôle psychiatrique de la Conception pour des ateliers de thérapie par le toucher.

Au total elles «soignent» un millier de personnes par an. Un laboratoire leur offre des produits, elles cherchent des subventions. «Les patients voient l'hôpital d'un autre oeil», assure Nathalie. «On apporte de la douceur. Nous, on n'a pas peur de les toucher».

Les traitements médicaux dessèchent la peau, peuvent déclencher des problèmes dermatologiques, un fourmillement dans les mains, la chute des ongles et très souvent des cheveux, des sourcils et des cils.

Dans leur petite salle à Saint-Joseph, les deux femmes ont placé un fauteuil en rotin, une coiffeuse à miroirs. Des huiles essentielles noient les odeurs d'hôpital.

Pendant leur chimiothérapie, avec l'accord du médecin, les malades qui le souhaitent s'installent là avec leur perfusion pour un soin des mains ou un modelage des pieds -- les soins du visage et du cou sont évités à cause du «port-a-cath», une chambre à injection implantée sous la peau.

C'est «une parenthèse très agréable leur permettant de se distancier du traitement», pense l'infirmière coordinatrice Valérie Dellamico. «Ca permet de dédramatiser», renchérit l'infirmière Chantal Roussel.

«Les traitements qu'on propose aux femmes sont tellement difficiles. Et il y a tellement d'hommes qui les quittent», observe le Dr Claude Bressac, «il faut essayer de leur redonner leur féminité».

Nathalie et Nicole conseillent les malades, mettent du vernis foncé sur les ongles pour lutter contre la photosensibilisation, disent comment se maquiller quand on n'a plus de cils et surtout... parlent avec elles.

«Ici on discute, ça fait du bien. Avec la famille ce n'est pas pareil», raconte Chantal, malade de 48 ans. Elle se fait couper les ongles, elle n'y arrive plus seule faute de sensibilité au bout des doigts.

Cette maman de quatre enfants n'avait jamais fréquenté d'esthéticienne. La maladie l'a changée: «je me fais plaisir quand j'en ai envie».

J., 73 ans, cache son cancer. Coquette, elle en est à sa troisième chimio: «j'essaie de faire figure humaine.

Ce n'est pas une question de beauté, mais de dignité».