On fait tous des listes. Pour planifier l'épicerie, orchestrer le ménage du printemps et remplir les valises à la veille des vacances. Et si on allait plus loin? Bien utilisées, les listes s'avèrent libératrices et poussent à l'action, maintient Dominique Loreau, auteure du livre L'Art des listes. Au signal, on inspire... et on sort le calepin de notes!

Du Top 10 quotidien du Late Show de David Letterman au palmarès de musique francophone, en passant par l'aide-mémoire du boulot, les listes ont la cote. Elles amusent et libèrent l'esprit, en plus d'être à la base de tout grand projet. Et si la liste faisait du bien, tout simplement?

L'auteure française Dominique Loreau vient de publier L'Art des listes, un livre qui regroupe des dizaines d'idées de listes, des étapes du ménage de la cuisine au top 10 des insultes les plus mordantes. Elle présente ces listes d'abord comme une méthode efficace de ne rien oublier, puis comme un passe-temps et un «merveilleux moyen de mieux se connaître».

 

Alors qu'elle habite au Japon depuis une trentaine d'années, elle s'inspire notamment du kakebo. Ce livre de comptes que tiennent les Japonais devient, au fil des mois, un carnet où ils notent de bonnes recettes, les éléments déclencheurs de disputes conjugales, les cadeaux reçus...

Le kakebo permettrait aux Japonais d'économiser en gardant un oeil sur leurs dépenses, mais aussi de lister ce qui leur plaît et de garder le cap sur leurs grandes ambitions.

«Bizarrement, plus on est organisés, plus il y a la place pour les folies qui font du bien, explique Mme Loreau. On devrait tous se faire des listes de toutes les petites choses que l'on doit accomplir au quotidien afin de s'en libérer et de passer à autre chose.»

Des listes «remonte-moral»

«Jouer de la guitare, danser sur un comptoir, remplir un caddie, avoir une petite fille et passer mon permis...» Avec la chanson La liste, la chanteuse française Rose a mis en musique l'an dernier tout ce qu'il est plus agréable de faire à deux. Cette chanson a été un succès instantané en France comme au Québec.

«Cette chanson, quand je l'ai entendue, je me suis dit «c'est tellement moi!» s'exclame Anne Genest, une femme dans la jeune trentaine. Je suis un peu comme Amélie Poulain: je cherche des petits bonheurs et, quand j'en trouve, je les note pour m'en souvenir, et pour les partager, aussi.»

Dans un carnet, Mme Genest dresse donc toutes sortes de listes. Des aide-mémoire utiles pour se libérer l'esprit, mais beaucoup de palmarès. À titre d'exemple, elle cite d'emblée sa liste «remonte-moral» qu'elle consulte lorsque le vague à l'âme l'envahit.

En perpétuel changement, ce palmarès contient des livres, des pièces musicales, des chansons et des restaurants qui chassent le spleen à tout coup. Cette semaine, elle trouvait, gribouillées dans un carnet, les suggestions «joyeuses» suivantes: faire une balade dans le quartier chinois et acheter n'importe quoi, craquer de la glace trop fine en la piétinant avec mes bottes, lire le roman Ensemble c'est tout d'Anna Gavalda ou encore Comment devenir un ange de Jean Barbe et écouter Banana Pancakes de Jack Johnson dans lequel il est question d'un déjeuner au lit.

«Parfois, un bon livre ou des crêpes aux bananes, c'est tout ce que ça prend pour se sentir mieux!» lance-t-elle en riant. Elle conserve tous ses carnets et retranscrit ses meilleures listes (des idées de restaurants, de sorties de filles, de bonnes auberges) dans de beaux livres aux pages vierges qu'elle choisit soigneusement.

De toutes les listes, ce sont ces dernières que préfère Dominique Loreau: «Elles nous font devenir des collectionneurs de bons moments. On note ce que l'on aime dans la nature, les sensations agréables... On en vient à avoir une conscience beaucoup plus aiguisée de soi-même, pour ne pas devenir un mort-vivant!»

Faire le point

Dans L'Art des listes (éditions Marabout), Dominique Loreau va plus loin. Elle consacre tout un chapitre aux listes plus introspectives. Elle y propose entre autres une liste pour amener le lecteur à se défaire de ses angoisses (noter les appréhensions, les peurs, les sensations éprouvées, les gestes à faire dans les moments de stress...).

Plus loin dans le livre, elle propose le «Manifeste de moi-même», un répertoire de «nos qualités et (de) nos bons coups» à écrire pour mieux se connaître.

N'est-ce pas un peu lourd comme travail? «C'est l'inverse, rétorque Mme Loreau. En essayant de mieux se connaître, on devrait arriver à mieux s'oublier.»

La psychologue organisationnelle Éveline Marcil-Denault croit elle aussi que, à l'occasion, ce temps d'arrêt s'avère bénéfique. «Une des listes qu'on devrait faire à quelques reprises dans notre vie, c'est la liste de nos valeurs, explique-t-elle. C'est un exercice intéressant parce que ça nous permet de faire des gestes qui sont en accord avec ce qui est important pour nous dans une période donnée.»

Un palmarès que devraient dresser les couples à quelques moments dans leur vie, histoire de prévenir des conflits et de faire le point, ajoute Mme Marcil-Denault.

Cinq conseils pour une liste optimale 

La liste de base, celle qui contient toutes les tâches à accomplir, peut être fort libératrice. Question qu'elle soit aussi motivante qu'apaisante, voici quelques conseils tirés de L'Art des listes, de Dominique Loreau. 

> Dresser une nouvelle liste chaque matin.

> Donner la priorité aux tâches les plus importantes et aux éléments les plus ennuyeux.

> Plusieurs petites tâches sont moins décourageantes qu'une seule grosse. Mieux vaut parfois scinder un élément plus important en plusieurs petites étapes.

> Regrouper certaines tâches (noter les courses à faire dans le même quartier, faire tous les appels au même moment, écrire tous les courriels importants d'un seul coup, si possible) afin de gagner du temps.

> Se montrer réaliste: parfois, on ne peut pas tout faire.