Si Québec adoptait un programme national de dépistage du cancer colorectal, le taux de mortalité de cette maladie, qui touche un Québécois sur 17, diminuerait d'environ 30%. Mais cette mesure ne figure plus dans les priorités du gouvernement, dénonce l'Association des gastroentérologues du Québec.

Le cancer colorectal est au 2e rang des plus mortels en Amérique du Nord. «Il se détecte très tôt. Si on avait un programme national de dépistage à l'image de celui qui existe pour le cancer du sein, on pourrait prévenir bien des cas», dit le président de l'Association des gastroentérologues du Québec, le Dr Victor Plourde.

L'Ontario et plusieurs pays européens ont déjà adopté une telle mesure. Le dépistage vise généralement les personnes âgées de 50 à 70 ans. Une première analyse permet de détecter la présence de sang dans les selles. Le cas échéant, les patients doivent subir une coloscopie.

Le cancer colorectal peut être détecté à un stade très précoce. Car avant de se développer, des excroissances de l'intestin (polypes) sont visibles. «Un polype prend de huit à dix ans à se transformer en cancer, dit le Dr Ramses Wassef, chirurgien au Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM). Les symptômes arrivent très tard. Souvent, le cancer touche d'autres organes. À ce moment, il est trop tard.»

«Le cancer colorectal est très agressif et touche autant les femmes que les hommes. Il devrait y avoir un programme de dépistage systématique», commente le porte-parole de la Coalition Priorité cancer, le Dr Pierre Audet-Lapointe.

Actuellement, les patients qui désirent subir une coloscopie de dépistage attendent environ un an pour passer leur test, selon le Dr Ramsez. Les gastroentérologues ne suffisent pas à la demande. Si jamais un programme national de dépistage était créé, l'attente pour subir une coloscopie pourrait exploser.

Pas du tout, selon le Dr Plourde. Ce dernier explique que les 180 gastroentérologues du Québec effectuent chaque année 120 000 coloscopies. «On a estimé qu'un programme de dépistage amènerait seulement 15 000 tests de plus, dit-il. Ce n'est pas tant que ça. Si on nous facilitait l'accès aux plateaux techniques, on pourrait répondre à la demande.»

Le Dr Plourde raconte qu'il a longuement travaillé à l'élaboration d'un programme de dépistage avec l'ancien ministre de la Santé, Philippe Couillard. «Tout était presque prêt, dit-il. Mais il y a eu un changement de garde et depuis, on n'a pas de nouvelles. On sait juste que ce n'est plus dans les priorités.»

Au ministère de la Santé, on affirme que «des études sont actuellement en cours». L'Institut national de santé publique mène trois études sur la pertinence d'implanter un programme de dépistage. Ces études devraient être finalisées sous peu. «On regarde s'il faudrait lancer un programme de dépistage auprès d'un groupe ciblé ou de façon plus générale», dit la porte-parole du ministère, Dominique Breton. Une annonce pourrait bientôt être faite à ce sujet.

Tous les médecins ne sont toutefois pas convaincus de la pertinence d'avoir un programme de dépistage. Le Dr Fernand Turcotte, qui a traduit le livre Dois-je me faire tester pour le cancer? Peut-être pas et voici pourquoi, ne croit pas au dépistage systématique du cancer colorectal.

«Ce type de cancer arrive très tard dans la vie. D'un point de vue de santé publique, on doit s'attaquer à ce qui tue les gens avant», dit-il.

Le Dr Turcotte explique qu'opérer une personne de 50 ans pour un cancer colorectal peut être inutile. «Si on sait que ce cancer ne se développera pas avant 60 ans, ça ne sert à rien de le dépister et de l'enlever», dit-il.

En attendant l'arrivée d'un programme national de dépistage, le CHUM lancera sous peu un projet pilote pour donner un accès rapide aux tests de dépistage du cancer du côlon. «Les gens n'attendront pas sur la liste habituelle pour subir leur coloscopie. Ils seront vus plus rapidement», dit le Dr Wassef.