La bedaine saillante sous son t-shirt d'entraînement, Sylvie Mallard attire immanquablement les regards au gymnase. La semaine dernière, elle a fait 3 km de course à pied sur tapis roulant, 10 km de spinning, 2,1 km de natation, 60 minutes de musculation et 90 minutes de yoga. «Pas pire pour une fille enceinte de 23 semaines!»

Pour cette mordue de sports, il n'était pas question d'interrompre l'entraînement. «Je ne suis pas handicapée et j'ai une tête de cochon, confie en riant la Montréalaise. Je ne me sens pas jugée, mais les gens sont étonnés. Je dois les rassurer.» Est-il risqué de bouger pendant la grossesse? Non, insistent les experts. À condition d'être en santé, de ne pas avoir une grossesse à risques et d'écouter son corps.

Il n'y a pas si longtemps, les femmes enceintes étaient encouragées à garder le lit, ou à tout le moins à se ménager. «Ça ne tient pas. On n'a jamais établi que le repos aide les femmes à prolonger la grossesse ou à diminuer la tension artérielle, même chez celles qui ont des contractions, indique le Dr Michael Kramer, professeur de pédiatrie, d'épidémiologie et biostatistiques à l'Université McGill. Les femmes déjà actives peuvent continuer à faire de l'exercice sans s'inquiéter.» Pour les autres, c'est le bon moment pour commencer, mais en douceur.

«Les femmes sont encore nombreuses à croire que l'exercice physique peut nuire au foetus et provoquer un accouchement prématuré. Ça n'est pas du tout le cas, déplore Suzanne Laberge, sociologue et professeure au département de kinésiologie de l'Université de Montréal. La mentalité commence heureusement à changer.»

Mère d'une fille de 6 ans, Marina Palardi vit actuellement sa deuxième grossesse. Elle est entraîneuse chez Yoga Maternité à Montréal. «Je dors mieux après le cours, je suis moins stressée, note-t-elle. Grâce au yoga, les participantes acquièrent une plus grande flexibilité et une plus grande aisance de mouvements.» Serait-ce la clé pour une naissance sans souci? «Ça ne garantit pas un accouchement facile, loin de là, mais on se prépare à bien respirer dans la douleur. On dirait que ça aide à faire face à ce qui peut se passer, à vivre le moment présent.

«De plus en plus, la grossesse est associée à l'adoption de modes de vie sains. Plusieurs femmes profitent de l'occasion pour prendre la résolution de se mettre en forme», soutient Marina Palardi.

Il n'y a jamais eu, semble-t-il, autant de cours destinés aux femmes enceintes. Entre la marche nordique prénatale, le yoga prénatal, l'aquaforme prénatale, le pilates prénatal et la musculation prénatale, les futures mamans ne savent plus où donner du bedon!

Dans les faits, les femmes enceintes actives demeurent largement minoritaires. C'est ce qu'indique une étude norvégienne, publiée en juin 2008 dans le Scandinavian Journal of Medicine and Sciences in Sports. Au total, 34 508 femmes enceintes ont été interrogées. «La proportion de femmes qui s'entraînaient régulièrement avant la grossesse était de 46,4%. Ce pourcentage chutait à 28% à la 17e semaine et à 20,4% à la 30e semaine», est-il écrit. D'autres études confirment cette tendance. «C'est dommage parce que l'exercice préviendrait le diabète de grossesse et pourrait aider à prévenir les risques de pré-éclampsie», indique Suzanne Laberge.

Des sauts? Pourquoi pas!

Si on doit éviter la plongée sous-marine, le parachutisme ou le surf, une panoplie de sports demeurent sans danger. Contrairement à ce qu'on pense, le jogging et la danse aérobique sont sans danger. Pas risqués, les sauts? «Les sauts ne sont pas dangereux; c'est un mythe, indique le Dr Kramer. On doit surtout éviter les sports où il y a des risques de coups ou de chutes. On cesse le judo ou la boxe et on ne va pas faire du ski alpin dans les bosses à 36 semaines!»

Enceinte de trois mois, la coureuse Isabelle Ledroit, 42 ans, a remporté deux médailles d'or au championnat provincial d'athlétisme (1500 m et 5000 m). Cette ancienne détentrice du record canadien du 10 km sur route n'en a subi aucun contrecoup, pas plus que son bébé. «J'ai couru jusqu'à la veille de mon accouchement. C'était un jogging très lent, mais ça m'aidait à me préparer et mes jambes étaient moins lourdes après», confie-t-elle.

Durant le premier trimestre, elle n'a pas du tout ralenti son rythme. «Je surveillais de près mes pulsations. Après, j'ai mis la pédale plus douce. Je courais moins vite et moins longtemps. Je profitais de ces instants pour me retrouver et penser à la vie qui s'en venait. Ça a beaucoup diminué mon stress.» Son accouchement s'est déroulé à la vitesse de l'éclair. «J'ai eu mes premières contractions et une heure plus tard, tout était terminé. Mon fils n'était pas très gros, mais dans la moyenne. Ça a été un accouchement extraordinaire.»

Bon pour le moral!

S'il ne fait aucun doute que l'activité physique est bénéfique, son effet direct sur l'accouchement et le foetus est encore peu connu, précise le Dr Kramer. En 2006, il a recensé les essais expérimentaux sur le sujet. «Dans les études expérimentales, les effectifs sont souvent trop petits pour tirer des conclusions fermes. De l'autre côté, les études observationnelles, sur de grands échantillons, peuvent avoir des biais», souligne-t-il. Comme les femmes actives sont généralement en bonne santé à la base, comment déterminer si l'exercice est associé à un accouchement plus facile? «On sait au moins que le sport est sans danger», résume-t-il.

On peut dire, sans se tromper, que l'activité physique durant la grossesse augmente le niveau d'énergie, renforce la musculature, améliore le contrôle du poids, la qualité de sommeil et l'image de soi. Elle réduit aussi le stress, l'inconfort et la sévérité des vergetures.

Selon Kino-Québec, «certaines recherches indiquent que les enfants de mères physiquement actives durant la grossesse tolèrent mieux le stress physiologique lié à la naissance, ont un pourcentage de graisse moins élevé jusqu'à 5 ans, ont des habiletés motrices supérieures à l'âge d'un an et ont de meilleures performances intellectuelles à cinq ans.» Ça reste à confirmer, selon le Dr Kramer. «Ce qui est indéniable, c'est que l'exercice est excellent pour le moral», souligne-t-il.

«Bouger me permet de vivre ma grossesse de façon positive, je me sens bien», confie Sylvie Mallard. Quand elle est trop fatiguée pour s'entraîner, elle en profite pour magasiner. Sur son blogue, elle écrit: «J'ai acheté un premier petit pyjama, une serviette de bain et un sac à couches. J'ai un plaisir fou à choisir des trucs pour mon bébé. J'en ai même eu les larmes aux yeux rendue à la maison!»

Se méfier de la sédentarité!On doit craindre la sédentarité, qui est associée à:

- une fatigue plus intense;

- un gain de poids excessif, surtout en fin de grossesse;

- des risques accrus de maux de dos, de diabète gestationnel et hypertension;

- une plus grande difficulté à se remettre de l'accouchement;

- une condition physique détériorée.

Source: Kino-Québec

Quel sport choisir?

On privilégie: marche rapide, bicyclette, vélo stationnaire, natation, aquaforme, danse aérobique et variantes avec impacts au sol réduits, ski de fond, raquette. Chez les adeptes de course à pied, le jogging convient durant les deux premiers trimestres.

On évite: équitation, gymnastique, plongée sous-marine, activités en altitude plus de 1600 m), soccer, vélo de montagne sur sentiers difficiles et sports de combat.

Source: Kino-Québec

Pour bouger sans crainte

- On demande l'avis de son médecin.

- Si on est sédentaire, on commence progressivement (séances de 15 minutes).

- Déjà sportive, on n'a pas à modifier son entraînement au premier trimestre.

- On pratique une activité cardiorespiratoire (au moins 30 minutes jusqu'à 4 fois/semaine) et des séances de musculation et d'étirements (jusqu'à 3 fois/semaine).

- Au troisième trimestre, on réduit la fréquence et l'intensité.

- On évite de faire des exercices vigoureux deux jours de suite.

- On se méfie des blessures liées à la prise de poids et aux articulations plus relâchées.

- On arrête et on consulte son médecin dès qu'il y a: fréquence cardiaque anormalement élevée au repos, vision embrouillée, vertige, évanouissement, douleur violente au pubis, au dos, à l'abdomen, au thorax ou aux mollets.

- On évite la chaleur et on boit beaucoup.

- On évite de rester couchée sur le dos dès le quatrième mois (y compris en dormant ou en faisant de l'exercice).

Sources: Kino-Québec, Académie canadienne de médecine du sport

Fausses croyances

- L'exercice physique n'augmente pas les risques de fausses couches, de bébés de petit poids et de complications néonatales.

- L'exercice physique n'affecte pas le développement du foetus.

- L'exercice physique à intensité modérée pendant la lactation n'affecte pas la quantité et la composition du lait.

Source: Société des obstétriciens et gynécologues du Canada

Photo: David Boily, La Presse

Il n'y a jamais eu, semble-t-il, autant de cours destinés aux femmes enceintes. Entre la marche nordique prénatale, le yoga prénatal, l'aquaforme prénatale, le pilates prénatal et la musculation prénatale, les futures mamans ne savent plus où donner du bedon!