Souvent associée au milieu techno, l'ecstasy est aujourd'hui consommée par des oiseaux de nuit de tout acabit. On estime que 3,7% Québécois de 15 ans et plus ont déjà consommé de la «e» au moins une fois dans leur vie. Des risques pour la santé chez les habitués? Pas si sûr. La «pilule de l'amour» serait moins nocive à long terme qu'on le pensait.

Vingt ans après l'entrée remarquée de l'ecstasy sur les planchers de danse, des chercheurs anglais, mandatés par l'Advisory Council on the Misuse of Drugs (ACMD), ont passé sous la loupe 110 études sur les effets à long terme de l'ecstasy. À ce jour, c'est la plus importante revue de littérature sur le sujet. Les conclusions viennent d'être publiées dans un rapport.

En gros, l'ecstasy causerait de légers problèmes de mémoire et de dépression à long terme, sans toutefois que le quotidien n'en soit affecté. Les personnes qui consomment de l'ecstasy performent moins bien lors de tests psychométriques, même quand de petites quantités sont consommées. La mémoire verbale et de travail ainsi que l'attention semblent particulièrement affectées. Les effets sont remarqués aussi chez ceux qui ont cessé toute consommation depuis au moins six mois.

«Il ne semble pas y avoir d'importants déficits et il n'y a aucune indication qui suggère un impact sur le fonctionnement au quotidien», a déclaré au New Scientist un des auteurs de la revue Gabriel Rogers, de la Peninsula Medical School à Exter, en Grande-Bretagne. Il souligne que son étude doit être prise «avec un grain de sel» puisque plusieurs variables peuvent influencer les données, comme l'autoévaluation des sujets et la consommation conjointe d'autres substances.

Prudence

Mohamed Ben Amar, pharmacologue et chargé de cours à l'Université de Montréal, recommande la prudence. «L'ecstasy peut avoir des effets à long terme. On a démontré la toxicité neurologique chez l'animal. Ça provoque une dégénérescence au niveau du cerveau, en particulier des cellules à dopamine et sérotonine.» Les troubles neurologiques peuvent apparaître quelques années après la consommation, souligne-t-il.

«La consommation assidue d'ecstasy pourrait aussi occasionner une psychose toxique, une dépression, de l'insomnie, une fatigue et des troubles cardiaques, ajoute Mohamed Ben Amar. Il y a des indices, mais on doit continuer les recherches. Des études chez l'humain doivent être réalisées pour plus de preuves. »

De petites études montrent déjà que certains consommateurs sont aux prises avec des séquelles sérieuses, comme un système immunitaire affaibli et des déficits de mémoire sévères. Qu'importe, l'ACMD entend recommander au gouvernement britannique un changement de classification de l'ecstasy, la rétrogradant de la classe A - où figurent l'héroïne et la cocaïne - à la classe B, avec le cannabis.

«Danger pour danger, il n'y a pas vraiment de différence entre l'équitation et l'ecstasy », a écrit le président de l'ACMD, David Nutt, dans le Journal of Psychopharmacology. L'équitation cause 100 décès par année en Grande-Bretagne, contre 10 pour l'ecstasy, a-t-il souligné. Ses propos, il va sans dire, ont créé un tollé.

«Il faut être extrêmement prudent, dit Mohamed Ben Amar. Une chose est sûre, l'ecstasy est une substance toxique.»