La Cour suprême des États-Unis a examiné lundi la possibilité pour un particulier de poursuivre un laboratoire pharmaceutique en justice si la notice d'un de ses médicaments n'est pas suffisamment claire sur les dangers d'un effet secondaire grave.

L'industrie pharmaceutique attend avec confiance la décision de la plus haute juridiction du pays, qui ouvrira ou non la porte à des milliers de procès et des dizaines de millions de dollars de dommages.

À l'origine de cette affaire, une musicienne du Vermont, amputée de l'avant-bras droit après avoir reçu une injection de Phenergan par voie intraveineuse pour soulager des nausées en 2000.

Le médecin avait décidé de procéder par voie intraveineuse parce que la piqûre de ce médicament par voie intramusculaire se révélait inefficace pour soulager ses nausées liées à de fortes migraines. Mais l'opération avait été mal conduite et une partie du médicament s'était échappée dans l'artère, provoquant une gangrène dans la main et l'avant-bras.

Diana Levine avait alors poursuivi le médecin en justice et obtenu plus de sept millions de dollars de dédommagements puis avait décidé de poursuivre le laboratoire américain Wyeth, qui fabrique le Phenergan.

Elle estimait que, même si l'agence du médicament américaine FDA (Food and Drug Administration) avait approuvé l'usage dudit médicament et fait indiquer sur la notice que l'injection par voie intramusculaire était préférable, l'injection par voie intraveineuse aurait dû être complètement interdite.

Elle défendait cet argument au nom du principe de l'équilibre entre les bénéfices et les risques d'un médicament, qui préside aux décisions des scientifiques de la FDA, un argument largement débattu lundi par les juges de la Cour suprême.

Douze jurés d'un tribunal du Vermont avaient estimé qu'elle avait raison et avaient condamné le laboratoire américain à lui verser 6,7 millions de dollars. En appel, la cour suprême du Vermont avait confirmé cette condamnation, conduisant Wyeth à porter l'affaire devant la Cour suprême des États-Unis.

Pour le laboratoire, l'approbation du Phenergan par la FDA, une agence fédérale, et la mention qu'une injection par voie intramusculaire est préférable, suffit à le protéger de toute poursuite en responsabilité civile, au motif que la loi fédérale prévaut sur la loi d'un État américain, en l'occurrence le Vermont.

Les avocats de Wyeth affirment également que trop d'avertissements sur une notice porterait atteinte à l'utilisation d'un médicament dont l'efficacité est prouvée dans l'écrasante majorité des cas. Ils estiment enfin que tous les millions dépensés dans des poursuites judiciaires sont autant d'argent perdu pour la recherche et l'amélioration des médicaments.

La plupart des observateurs prédisent que la Cour suprême va donner raison aux laboratoires pharmaceutiques, en raison notamment des sommes en jeu.

Lundi, les juges conservateurs comme libéraux ont pourtant malmené Me Seth Waxman, conseil de Wyeth, sur la gravité de l'effet secondaire.

«Comment la FDA a-t-elle pu conclure que le Phenergan était sûr et efficace quand, côté bénéfices il ne s'agit pas d'un médicament vital mais d'un médicament qui soulage de la nausée, et côté risques il existe un risque de gangrène ?», au vu de ce qui est arrivé à Mme Levine, a ainsi interrogé Samuel Alito.

«Peu importe quels sont les bénéfices, comment peuvent-ils l'emporter sur ce risque potentiel», a renchéri Ruth Ginsburg.