Pourquoi consulter un site où les médecins sont jugés, pesés et emballés? Michelle Blanc, consultante en marketing internet, résume succinctement la motivation.

«Je l'ai fait pour mon médecin, cet été, confie-t-elle. J'ai subi une opération de féminisation faciale, et je suis allé voir ce qu'on disait de mon médecin sur l'internet. Quand je l'ai rencontré, je lui ai dit: «On indique que vous êtes un très bon médecin mais que vous êtes misogyne. Étant donné que je suis encore un homme, ça va être correct avec vous. Mais dès que je serai une femme, c'est là que ça va être un problème.» «

 

Car Michelle Blanc, il y a quelques mois, s'appelait encore Michel Leblanc. Souffrant de dysphorie de genre - une profonde souffrance liée au sentiment d'appartenir au sexe opposé -, l'homme est arrivé à la conclusion que la seule solution consistait à se transformer en femme.

«Ça coûte 25 000$, un chirurgien, lance Michelle Blanc. Je vais le magasiner en cr... Tu veux avoir d'autres opinions que celle du médecin que tu rencontres.»

En effet, les évaluations de médecins, dentistes, avocats sur l'internet peuvent être utiles, croit Sylvain Sénécal, professeur spécialisé en marketing internet à HEC-Montréal. «S'il y a une masse suffisamment importante pour évaluer un service professionnel, ce n'est pas une perte de temps, au contraire», soutient-il.

Sans surprise, les médecins ne l'entendent pas de la même oreille. «C'est de la foutaise», tranche le Dr Yves Lamontagne, président du Collège des médecins du Québec, à propos de ratemds.com. «On ne peut rien faire parce que le site est en Californie.»

Il accorderait plus de valeur à l'exercice si ces sites présentaient un questionnaire bien structuré. «Mais ça, c'est du commérage, et c'est tout.»

Comment alors s'informer sur la compétence de son médecin? «La seule façon, c'est d'appeler au Collège, répond-il. Nous sommes très transparents. Si un médecin a été traduit devant de comité de discipline, on va vous le dire. Si le médecin a été obligé de suivre des stages et a été limité dans sa pratique pendant un bout de temps, on va vous le dire.»

Et si on tient malgré tout à utiliser l'internet, le Dr Lamontagne recommande de consulter les sites sérieux sur les maladies et la prévention «de sorte que, quand vous voyez votre médecin, au moins vous pouvez lui poser des questions et vous allez vous apercevoir si ce qu'il vous répond a de l'allure ou non».

Le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, le Dr Gaétan Barrette, estime lui aussi que ces sites ne permettent pas de juger de la compétence d'un médecin. «L'échantillonnage est trop faible. Avoir trois mauvaises évaluations sur quatre, ce n'est pas significatif.»

Mais quand on fait observer que la plupart des commentaires ont trait à l'accueil, à l'écoute, à l'attitude, il acquiesce: «Je suis parfaitement d'accord. Si vous me dites qu'un médecin a quatre commentaires tous négatifs sur son attitude, il est plus probable que ça ne soit pas une mauvaise journée mais qu'il soit bête avec son monde. C'est possible. Que les médecins prennent leurs responsabilités et changent leurs attitudes.»

Malgré toutes les critiques qu'ils expriment, il y a fort à parier que la plupart des médecins ont déjà consulté leur fiche. «Je suis même sûr que les médecins vont voir leurs voisins et leurs collègues», lance le Dr Barrette. Il a lui-même risqué un coup d'oeil curieux sur les évaluations d'excellents médecins de sa connaissance, qui travaillent en région. «J'ai été surpris: ils étaient là, avec de bons commentaires. J'ai été étonné de voir qu'on commentait même dans les petits villages.»

Le village global, avait prophétisé McLuhan.