Vingt-cinq médecins et experts québécois en santé publique exhortent le gouvernement fédéral à cesser de soutenir l'industrie canadienne de l'amiante chrysotile. Dans une pétition qui sera rendue publique aujourd'hui, ils demandent à Ottawa de ne plus bloquer les efforts visant à réglementer le commerce mondial de cette substance cancérigène.

«Nous concourons avec les autorités internationales, toutes d'avis que l'amiante chrysotile en suspension dans l'air cause une maladie pulmonaire fibrosante potentiellement mortelle, l'amiantose, de même que le cancer du poumon et le mésothéliome malin», peut-on lire dans la pétition obtenue par La Presse.

 

«Nous prenons position en ce moment, car, en tant que professionnels et chercheurs du domaine de la santé, nous ne pouvons pas nous permettre d'ignorer la preuve accumulée jusqu'à présent. Nos obligations incluent la protection de l'intérêt public au Québec, au Canada et au niveau international.»

Sous l'égide de l'ONU, des représentants de 120 pays se réuniront la semaine prochaine à Rome pour décider s'ils ajouteront certains produits, dont l'amiante chrysotile, à une liste de surveillance qui compte déjà 39 substances toxiques.

Lors de la dernière réunion, en 2006, le Canada s'était opposé avec succès à l'inscription de l'amiante chrysotile à la liste des matières dangereuses de la Convention de Rotterdam. Ce traité oblige le pays exportateur à prévenir le pays importateur afin que ce dernier puisse consentir à recevoir une substance toxique en toute connaissance de cause. Le Canada est le deuxième exportateur d'amiante chrysotile au monde. Concentrée dans les mines québécoises de Thetford Mines et d'Asbestos, l'industrie génère environ 700 emplois. Le gouvernement fédéral a toujours soutenu qu'il était possible de faire un usage sécuritaire de cette fibre d'amiante. Mais plusieurs experts n'y croient pas.

«Il est très clair que le chrysotile est cancérigène, comme toutes les autres formes d'amiante», dit le Dr Pierre Auger, spécialiste en médecine du travail et signataire de la pétition. «Il cause le cancer du poumon et le mésothéliome, un des cancers les plus violents qui soient. J'en ai déjà traité, et vous ne pouvez pas faire grand-chose pour le combattre. Vous regardez le patient fondre dans son lit.»

Pression sur le Canada

À quelques jours de la réunion de Rome, la pression s'accroît sur le Canada. Il y a deux jours, le Journal de l'Association médicale canadienne a publié un virulent éditorial, qui accusait Ottawa de «manipuler honteusement les connaissances scientifiques» pour continuer à exporter de l'amiante chrysotile vers les pays pauvres tout en sachant la substance cancérigène.