Trop rouge, trop sexe, trop commerciale, trop conformiste, la surenchère autour de la Saint-Valentin peut porter sur les nerfs et même provoquer des haut-le-coeur. Au théâtre Aux Écuries, quatre auteurs profitent de la première du collage 6h30 pour dire haut et fort pourquoi ils haïssent le culte de Cupidon. Nous leur avons donné la parole.

Annie Ranger

«La Saint-Valentin, c'est dangereux. À vouloir trop créer la soirée romantique-magique-parfaite, on finit par la tuer.»

«Les soirées de Saint-Valentin ne sont pas nécessairement les plus romantiques et je m'en amuse un peu dans mon texte. Ça peut être lourd aussi, ne serait-ce qu'au niveau de la bouffe. De la fondue au fromage, ce n'est pas nécessairement ce qui met dans un état pour avoir une belle relation ensuite», estime Annie Ranger, codirectrice du Théâtre I.N.K. Chocolats, fleurs, petit souper au resto, tout ça manque de spontanéité et de naturel. Que faire alors? «Il n'y a rien à faire cette journée-là, tranche-t-elle. Il faut que ce soit un autre jour. Elle est brûlée cette date-là!»

David Lavoie

«Ne serait-ce que pour me poser contre la petitesse humaine qui se trouve exacerbée lors de nos fêtes commerciales, je prends le parti de haïr la Saint-Valentin.»

Détester la Saint-Valentin est un choix quasi idéologique pour David Lavoie, directeur général du théâtre Aux Écuries. «J'ai envie de faire un lien avec le mouvement d'indignation de l'automne dernier, dit-il, qui en a contre l'envergure commerciale de cette fête. On est dans une ère d'indifférence, mais l'indifférence à petite échelle, dans les relations, ça finit par provoquer des changements. Mais à l'échelle sociale, ça amène juste une continuité dans la même direction. La petitesse humaine, je l'associe à l'indifférence, au conformisme et à la passivité. Si la Saint-Valentin était prise en charge par des entreprises artisanales avec des créations à échelle humaine, je ne m'y opposerais pas, mais la voix d'une annonceuse qui me souhaite bonne Saint-Valentin à l'épicerie en m'invitant à acheter des produits, ça donne presque un haut-le-coeur.»

Olivier Choinière

«La Saint-Valentin, c'est comme aller aux putes, mais à la maison.»

«La Saint-Valentin, tel que je l'ai toujours comprise, est une fête qui tend beaucoup plus à pousser les gens à la consommation qu'à retrouver ou à exprimer la pureté de l'amour. C'est vraiment une fête consumériste qui est censée donner un boost à l'économie de marché après la baisse inhérente à la période post-Noël. Oui, évidemment, tout ça est de plus en plus sexualisé. Que ce soit la vente de petits chocolats, l'avalanche de couples qui vont manger au restaurant, Sexe-Cité et autre boutique Romance, tout le monde profite de ce marché-là. C'est la fête de l'amour, mais rien n'est gratuit», observe le dramaturge et metteur en scène Olivier Choinière. Un restaurant plein de couples alignés lui donne d'ailleurs plus l'impression d'une répétition du même modèle plutôt que la célébration d'un amour unique. «Je trouve ça étrange de célébrer ça de cette manière-là.»

Marcelle Dubois

«Paradoxe contemporain: on est moins seul le 14 février si on est cynique que si on est romantique. C'est ça être in en 2012.»

Déplorer le cynisme entourant la Saint-Valentin, n'est-ce pas un peu... romantique? «Ah! Je suis démasquée! Ce n'est pas vrai que je hais la Saint-Valentin!», lance Marcelle Dubois, directrice du théâtre les Porteuses d'aromates, dans un grand éclat de rire. «Le cynisme a la cote partout, c'est la marque du jeune contemporain bien conscient de son époque et de ses enjeux. Je trouve qu'à travers ça, on délaisse des impulsions ou des instincts de bonheur. Mais dire ça, de nos jours, c'est ne pas vouloir d'amis le 14 février... Ce cynisme-là, je le comprends, mais j'aime ces rites qui marquent le temps. Ils sont importants dans une année. À force de créer une distance pour se protéger du méchant marketing de l'amour, on finit par nous-mêmes déshumaniser ce qui pourrait rester de beau. Je ne sais pas si c'est une attitude romantique, mais c'est assurément anticontemporain...»