Quand Annick Germain et Johanne Charbonneau, chercheuses à l'Institut national de recherche scientifique, se sont mises à enquêter sur les personnes qui vivent seules au Québec, quelques surprises les attendaient.

«En gros, la majorité n'ont pas choisi d'habiter seules, mais plusieurs d'entre elles finissent par en faire un choix. Plusieurs des 60 personnes que nous avons interrogées nous ont dit: si je me trouve un chum, ce sera chacun chez soi», explique Annick Germain, coauteure de Habiter seul: un nouveau mode de vie.

 

Oui, c'est déprimant de souper seul. En même temps, beaucoup de «solos» - aussi bien des professionnels que des réceptionnistes ou des caissières - ont dit combien leur vie ultra-sollicitée, de jour, les amène à avoir très envie de silence le soir venu. «Ce sont des gens qui, dans leur journée de travail, sont en contact avec une multitude de gens, sans compter le bombardement de courriels qu'ils subissent. Le soir venu, plusieurs n'ont surtout plus envie de négocier, mais veulent être tranquillement chez eux, seuls.»

«Singulièrement, ce sont ceux qui ne vivent pas seuls, sans doute parce qu'ils ne le supporteraient pas, qui ont la vision la plus négative de la solitude», écrit pour sa part la psychiatre et psychanalyste française Marie-France Hirigoyen dans Les nouvelles solitudes.

«Le couple, officiel ou pas, dit-elle, reste la norme.»

Caroline, notre avocate trentenaire récemment séparée, ne lui donne pas tort: «Passé un certain âge, quand tu n'es pas accompagnée, tu te sens «particulière».»

Révolution féministe ou pas, la pression sociale demeure.

«De nos jours, le solitaire est encore perçu comme un misanthrope ou un coeur sec, incapable de donner ou de recevoir de l'amour, écrit encore la Dre Hirigoyen.

«On soupçonnera chez un homme qui vit seul des tendances perverses et une femme aura des allures de sorcière.»

Et pourtant, conclut-elle, bien souvent, les solitaires sont tout simplement «plus exigeants sur la qualité des relations qu'ils entretiennent avec les autres».