Installé dans la Petite-Bourgogne, à deux pas de son grand frère le Joe Beef, Vin Papillon est né dans un espace étroit toujours bondé où l'on devait s'entasser en espérant s'asseoir un jour à l'une des rares tables.

Cet été, hourra, il a doublé de taille.

Son type d'accueil s'est donc transformé, notamment grâce à un grand bar et un espace où l'on peut attendre une place confortablement, chose utile dans un restaurant où l'on ne peut pas faire de réservation. Et l'établissement en a aussi profité pour agrandir son espace cuisine et se doter d'un four à bois sur mesure fabriqué par le chef Fred Morin (du Joe Beef) en personne.

Bref, le prétexte était tout trouvé pour y retourner même si le chef est toujours Marc-Olivier Frappier, la sommelière reste Vanya Filipovic et que le menu demeure très axé côté légumes, marque de commerce de cette table.

Et est-ce toujours aussi bon et bien ?

Totalement.

Mis à part le savon industriel dans les toilettes et la déco un peu surchargée - mais là on entre vraiment dans des considérations marginales en plus d'être subjectives - ce restaurant est tout bonnement exactement ce que j'attends d'un bon établissement.

C'est sympathique, chaleureux. La table déborde de créativité tout en restant impeccablement conviviale et accessible. Les produits goûtent la qualité. Et on y mange une cuisine réellement actuelle à base de légumes et encore de légumes, ingrédients non seulement sains et savoureux, mais intelligents en cette époque de dérives agroalimentaires industrielles.

Après un été à essayer des tables européennes, surtout françaises, toutes plus dynamiques les unes que les autres, j'oserai même dire que Le Vin Papillon est unique dans son genre au-delà de Montréal et du Canada - l'adresse la plus proche, je dirais, est State Bird Provisions à San Francisco - dans cette combinaison de prix abordables, de saveurs typées, de style décontracté, de produits impeccables, le tout sur fond de vins naturels rigoureusement triés.

On pourrait parler de bouffée d'air frais dans le paysage gastronomique montréalais, mais en cette saison, l'inspiration qu'on y trouve évoque davantage un repli douillet, histoire de fuir le froid et les lieux communs.

Au menu? Des assiettes qui se succèdent façon tapas, surtout à base de légumes, mais pas nécessairement végétariennes. Parfois des lamelles diaphanes de céleri rave dansent presque comme de la dentelle dans une sauce bagna cauda - donc aux câpres et aux anchois - tandis qu'un poireau rôti sur le feu s'accompagne uniquement d'une sauce crémeuse à l'aneth. L'oeuf mimosa? On le présente avec des oeufs de saumon fumé, qui éclatent grassement en bouche, évoquant par association les parfums typés d'un petit-déjeuner british viré à l'envers. Vous aimez la courge? La delicata, riche, costaude, est servie farcie avec ses propres graines grillées, de la sauge en frites et du speck, jambon cru fumé à l'italienne.

Le menu est à l'ardoise, mais copieux et permet d'aller dans tous les sens. Un hot-dog brioché aux champignons armillaires couleur de miel, ça vous inspire? Celui-là, riche, déconcertant, fonctionne à merveille. Pourquoi essayer d'inventer une fausse saucisse végé si le champignon poêlé, charnu qui résiste juste assez sous la dent en rebondissant légèrement comme une protéine, apporte la sensation recherchée dans chaque bouchée?

Les cigares au chou au paprikash piquant pourraient aisément remporter le prix de mon plat automnal préféré de 2015, réconfortants, savoureux, cuits juste assez pour que le chou demeure vif. Autre grand gagnant à notre table, l'ajvar, salade cuite des Balkans à base de poivrons rouges, servie avec du pain plat cuit sur le gril et de la feta. On trouvera difficilement plus exotique, léger et nourrissant à la fois pour 10$.

Au dessert, comme il y avait anniversaire à la table, on s'est fait servir une omelette norvégienne à la pêche et à la marmelade joliment flambée. Malheureusement, le goût de pêche du sorbet se taillait difficilement une place entre le sucré acidulé de la confiture d'agrumes et celui du moelleux de la meringue. Mais tout s'est dévoré en fondant et en craquant à peine. Génial.

Le Vin Papillon

2519, rue Notre-Dame Ouest

vinpapillon.com

> Prix: Assiettes variées entre 10$ et 15$ Desserts entre 4,50$ et 12$.

> Carte de vins: Une des bonnes adresses montréalaises pour essayer des crus naturels choisis rigoureusement, mais avec originalité et un esprit aventureux par la sommelière Vanya Filipovic.

> Décor: Le lieu a doublé d'espace. Dans la nouvelle section, on a installé derrière le bar un spectaculaire bahut provenant d'un couvent du Bas-du-Fleuve. Généralement, la déco demeure la même que dans les autres restaurants de la famille Joe Beef: c'est chargé, rempli d'antiquités et d'oeuvres du peintre Peter Hoffer et de style rétro.

> Service: Chaleureux, efficace et excellents conseils pour le vin

(+) Le rapport qualité-prix dans l'assiette

(-) Le savon industriel dans les toilettes, l'absence de réservations

On y retourne? Oui, vraiment.