On m'avait parlé de ce restaurant plusieurs fois. Une sorte d'anomalie dans la ville, m'avait-on dit. Pas à cause du menu, plutôt classique dans son genre: ailes de poulet, pâtes, burgers... Une anomalie à cause d'une cave à vins comme on en trouve peu au Québec. «C'est fou», m'avait-on averti. Inattendu dans la rue principale de Trois-Rivières. Mais surtout dans ce style de restaurant où wraps côtoient burgers...

De belles caves, j'en ai vues quelques-unes à Montréal. Toqué! , le Latini, le Pied de cochon et Joe Beef aussi. Côté spectaculaire, il y a aussi, évidemment la cave du Bistrot à Champlain, à Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson cette fois. Même si le gros de la collection a été vendu, il lui reste encore de bien belles bouteilles. Mais je ne m'attendais pas à trouver une collection comme ça au restaurant Le Carlito. Avec des Romanée Conti, des Corton et des Montrachet de toutes sortes. Une série de crus classés dans un étalage vitré qu'on aperçoit dès qu'on entre, à la fois bien en évidence, mais présenté aussi sans cérémonie. Comme si on voulait laisser savoir sans assommer, sans faire peur...

Apparemment, c'est l'un des propriétaires, Martin Lampron, qui adore le vin et qui a décidé de s'offrir ce cadeau. Et donc cette cave, et ce qui surprend, je le répète, c'est qu'on la trouve sur la même carte que des nachos, dans un restaurant où la cuisine tente surtout de plaire à une clientèle peu aventureuse, à la recherche de plats prévisibles, une cuisine donc qui ne cherche pas à mettre ces grands crus en valeur. Quel dommage! En plus, les propriétaires sont de grands admirateurs du travail de Martin Picard, avec qui ils font des événements spéciaux à l'occasion. Pourquoi ne pas suivre cette voie et offrir une cuisine à la fois accessible et ancrée dans le patrimoine, tout en faisant grimper de plusieurs crans la qualité de la cuisine?

Remarquez, les plats ne sont pas désagréables. J'ai même plutôt aimé, par exemple, la «salade Annick» qu'on m'a servie en entrée, une composition étagée de laitue Boston, de jambon de Paris, de parmesan. On la mange avec une vinaigrette simple. C'est très frais, léger. Mais rien pour faire exploser les arômes d'un Meursault... La tartine au chèvre et aux champignons portobello aurait été mieux placée pour aller chercher la complexité de notre Marsannay. Malheureusement, le plat ne va nulle part. Le pain est fade, les champignons un peu trop tombés. Et le chèvre se perd dans l'assiette sans que sa saveur ne ressorte clairement.

En plat principal, on prépare une escalope de veau avec une sauce au chardonnay et au citron, ce qui s'agence bien avec un bon bourgogne. La viande est tendre et la sauce juste et bien citronnée. En soi, avec quelques légumes verts un peu travaillés, le plat aurait été impeccable dans les circonstances. Malheureusement, on remplit aussi l'assiette de pâtes aux tomates sans intérêt, sèches, lourdes, qui retirent toute élégance à la composition. On se perd. Le plat de pétoncle est aussi honnête, avec des fruits de mer cuits simplement à la poêle, sans prouesse, mais sans terrible faux pas non plus. Là encore, les bouchées se font oublier.

On préfère le vin, c'est clair. Aurait-on dû choisir un des nombreux steaks pour mieux apprécier un grand Bordeaux? Le poulet général Tao? Les côtes levées à la sauce barbecue? La soupe Bangkok? Au dessert, on choisit un assortiment de tous les plats. Du pudding chômeur revisité, du chocolat fondant. Des plats qu'on a vus et revus. C'est crémeux, riche. Sans distinction. Dommage. Car on aurait peut-être pris un bon cognac avec tout ça.

Le Carlito

361, rue des Forges

Trois-Rivières

819 378-9111

www.lecarlito.com

>Prix: entrées entre 3,50$ et 16,75$; plats entre 16,75$ et 43$

>Carte de vins: primées plusieurs fois par le célèbre magazine Wine Spectator, la carte de vins est remplie de crus spectaculaires, français notamment. Mais il n'y a pas que des bouteilles aux étiquettes aussi célèbres que bonnes, mais aussi chères, il y a aussi des crus plus abordables.

>Service: Efficace et sympathique, mais pour avoir des conseils pointus sur la carte de vins, le serveur doit appeler le sommelier qui n'est pas toujours sur place, ce qui peut créer certaines complications.

>Atmosphère: Décontractée, moderne. On est dans un resto de type néo-bistro qui s'adonne à avoir une carte de vins hors du commun, mais de toute évidence, ce n'est pas ce que vient chercher la majeure partie de la clientèle. Atmosphère enjouée surtout les week-ends. Alors, prévoir un niveau de décibels élevé.

(+) La richesse de la carte de vins.

(-) La cuisine et l'atmosphère qui sont totalement en désaccord avec la qualité des crus.

On y retourne? Probablement si on est à Trois-Rivières, parce que tant qu'à manger des ailes de poulet sur la rue des Forges, pourquoi ne pas les accompagner d'un verre de vin qui a de l'allure?