Quand j'ai vu le nom de ce nouveau restaurant, Racines, j'ai cru qu'on y servirait une cuisine rustique, enracinée dans nos traditions et notre terroir, remplie de plats costauds et chaleureux.

J'avais tout faux.

La nouvelle table du chef Simon Mathys - l'ancien du Bar&Boeuf qui a déménagé deux carrefours plus loin, angle McGill et Saint-Maurice - est une table aimant la légèreté, beaucoup plus aérienne que souterraine. Je n'y ai pas vu de sauces vaporisées et autres espumas, merci, mais les assiettes sont menues, délicates, et les saveurs concentrées ici dans une feuille, là dans un jus.

C'est une jolie table, avec quelques plats plus réussis que d'autres, mais où il fait bon s'arrêter pour déguster sans exagérer.

Le lieu, d'entrée de jeu, est très bien aménagé. On a rénové l'ancien greasy spoon Luigi avec soin. Le groupe qui est aussi derrière Les 400 Coups, Venti, Helena, Sinclair et Bar&Boeuf - et qui nous promet d'ouvrir à Montréal un Tapas24 avec le chef Carles Abellan de Barcelone - a investi dans l'espace pour créer une atmosphère moderne mais chaleureuse, un certain défi pour ce restaurant tout en longueur, avec une façade entièrement vitrée. Au fond, un bar permet de manger seul ou de prendre une bouchée et un verre de vin.

Au menu, la maison propose des petits plats, façon tapas. On suggère d'en choisir trois, ce qui suffit amplement. Ce qu'on ne précise pas, toutefois, c'est que certains sont froids et d'autres chauds et qu'il peut être décevant de tomber sur trois plats froids, si on ne fait pas attention à calibrer les choix.

Après deux repas, dont un souper à quatre personnes, j'ai pratiquement essayé tout le menu, dont certains éléments sont nettement plus forts que d'autres.

Par exemple, à moins que vous ayez envie d'un consommé spartiate, je ne recommanderais pas le bouillon de champignons aux pommes de terre, une soupe très simple où les tubercules prennent banalement trop de place. Si on veut une amorce légère, je recommanderais davantage le plat de crevettes de Matane, servies en saucisse, donc cuites amalgamées, avec des feuilles de laitue bien ensoleillées et vitaminées et une généreuse cuillérée, ou deux, de beurre à la ciboulette. Bonne idée aussi de déposer la joue de veau braisée, riche, dans des feuilles d'endives, très fraîches, amères, qui tranchent clairement avec le côté fondant, presque collant de la viande. Jolie composition.

L'huître servie à toute la table en amuse-bouche, avec mignonnette au vin rouge et babeurre, est aussi impeccablement articulée avec les contrastes appropriés.

Le plat de foie gras s'impose lui aussi parmi les assiettes les plus typées. On le sert cru, salé, avec des copeaux de meringue qui ajoutent un croquant fondant un peu sucré, marqué ensuite par une dose juste assez généreuse de poivre. Réussi.

Aimé aussi beaucoup le plat d'omble chevalier, juste assez cuit pour nous charmer avec son côté très moelleux, servi avec une purée de salsifis, des chips de ce tubercule et quelques tranches fraîches de radis. Là encore, les textures se répondent, se complètent. Aucune bouchée n'est banale.

Les assiettes plus décevantes? Du boudin frit un peu sec, des ris de veau trop cuits, une pintade au chou un peu ardue dans la bouche (on rêve d'une cuisson sous vide qui la laisserait plus fondante, si cela est possible). Et le thon totalement cru? Avec des graines de citrouille? On aime ce poisson en tartare, lié avec des ingrédients forts en gueule, on l'aime en sashimi, laissé à sa noblesse. Mais cru, confronté à des graines croquantes? L'harmonie se cherche...

Au dessert, on a essayé quatre plats, aimé surtout l'un d'eux. La tomme aux topinambours un peu fondue n'a pas d'élégance, inutilement travaillée. On aurait préféré de simples morceaux de fromage, surtout que le pain sorti tout droit des fourneaux de la boulangerie Hof Kelsten est superbe, et le beurre très frais qui l'accompagne aussi.

La composition aux pommes, avec un quatre-quart (pas assez fondant) et une glace au pain (intéressante), est aussi un peu décevante, pas assez parfumée, pas assez racoleuse. Par contre, bravo pour l'assiette au chocolat et à la poire, avec crème de chocolat Manjari, morceaux et purée de poires et riz soufflé croquant au chocolat. Après s'être amusé avec des bouchées complexes où l'acidité parfumée du fruit répond à la richesse torréfiée du cacao, on termine en léchant pratiquement le fond de l'assiette. Une jolie conclusion à un joli repas.

Racines

444, rue McGill, Montréal, 514-544-0444

www.racines.ca


> Prix: Plats variés entre 6$ et 17$. Le midi, la formule à trois plats (plus amuse-bouche) à 21$ est très intéressante.

> Carte de vins: Non seulement il y a une longue et fort intéressante sélection de vins au verre, mais en plus, on les propose en grand ou en petit verre. Bonne idée! Sinon, carte soignée, avec crus de petites maisons, de tous les prix, dont des vins français abordables.

> Atmosphère: Le midi, le lieu se remplit de gens qui travaillent dans le quartier. Le soir, on aperçoit les foodies qui aiment cette cuisine moderne et recherchée, qui n'a pas envie de tomber dans les clichés. Niveau de bruit tolérable. On s'entend parler.

> Service: Impeccable, sympathique et efficace... quoique nos voisins, un midi, ont eu droit à un service plutôt lent.

+ Le décor, la créativité, le désir du chef de sortir des sentiers battus tout en respectant les produits.

- Quelques cuissons à préciser.

On y retourne? Oui, c'est sûr.

PHOTO Hugo-Sébastien Aubert, La Presse