La première fois que j'ai regardé le menu sur l'ardoise chez Vin Papillon, j'ai eu l'impression qu'on avait lu dans mes pensées.

Des légumes, des légumes et encore des légumes.

Le paradis pour n'importe qui, comme moi, a assez mangé de porc effiloché et d'épaule d'agneau braisé pour 12 ans et rêve plutôt de tomates et de potirons.

Surtout, en plus, que tous les plats avaient l'air travaillés avec la même gourmandise qu'on peut investir, justement, dans un foie gras poêlé ou un cassoulet. Ricotta et petits pois, chou-fleur à la rôtissoire...

Des légumes presque décadents comme on peut se les imaginer quand on sait que le nouveau restaurant en question est le petit frère du Joe Beef et de Liverpool House, dans la Petite Bourgogne.

Bref, des légumes avec une âme.

Le lieu, rue Notre-Dame ouest lui aussi, à deux pas des frangins et près du marché Atwater, a une atmosphère rétro-relax de brasserie française début XXe avec une touche un peu campagnarde. Des caisses de légumes sont déposées à l'entrée, peut-être parce qu'on ne peut pas les ranger ailleurs, peut-être parce qu'elles sont drôlement jolies et colorées. Sur les murs, des miroirs vieillis, des tuiles blanches, des étagères remplies de bouteilles de vin donnent un ton un peu Montmartre après-guerre.

On appelle le lieu bar à vin, on aurait pu dire buvette aussi. En plus des légumes et de quelques plats servis dans de petites assiettes format tapas, les vins naturels y sont à l'honneur. Le tout est piloté par Vanya Filipovic, sommelière du Joe Beef, et le chef Marc Olivier Frappier.

Je dis légumes, mais vous m'avez compris: on n'est pas du tout ici chez des végétariens. On est chez des amateurs de légumes, c'est différent. Un de mes plats préférés, un chou-fleur rôti, est présenté avec des «chips» ou flocons de peau de poulet grillée. C'est riche, croquant. L'acidité de quelques câpres et du jus de citron vient casser un peu ce gras, tout comme le croquant du légume qui demeure bien présent, juste assez attendri. C'est délicieux.

Et puis il y a des plats avec du jambon, de la pintade, des bourgots... Viandes, poissons et charcuteries sont présents, mais pas au premier plan.

Prenez la focaccia, par exemple. Le soir où j'y suis allée - le menu change régulièrement -, elle était parfaitement légère et moelleuse, pour commencer, mais surtout garnie de champignons «homards», un type de champignon orangé comme le crustacé aussi appelé russule en français, avec en prime une crème au vrai homard, façon bisque. Un vrai bonheur de mordre ainsi dans le pain imbibé de la saveur concentrée du fruit de mer. Avec un côté très «cuisine française classique». À ne pas rater.

Le plat de choux de Bruxelles, servi avec speck - jambon fumé - et brunoise de pommes, m'a plu un tout petit peu moins. Les légumes grillés sont croquants et craquants, mais la composition est bien sucrée avec le fruit et l'équilibre est précaire.

La combinaison tomates et fromages en grain avec croûtons et herbe du jardin est aussi moins surprenante. Tout est très simple, très accessible et les tomates sont parfaites pour cette fin de saison. Mais malheureusement, même si on adore le fromage à poutine, il n'a pas la finesse nécessaire, je trouve, pour accompagner les tomates délicates. On cherche le côté parfaitement soyeux de la mozzarelle, accompagnement traditionnel.

En revanche, gros coup de coeur pour les poivrons farcis au beer cheese, un fromage fort, servi sous forme de pommade, originaire du Kentucky. Un plat à la fois frais et relevé, où les pointes chaudes pimentées des jolis légumes bien rouges viennent s'adoucir sur le flanc crémeux du fromage. Un tango bien équilibré.

Au dessert, le baba aux bleuets avait une belle texture, bien spongieuse, légère, une crème montée toute simple et beaucoup de sirop bien sucré pour envelopper l'acidité parfumée des petites baies. Personnellement, toutefois, j'aurais mis un peu plus de rhum dans ce jus pour donner un peu plus de relief au dessert.

Si c'est au menu, je vous conseille sans hésiter le plat de figues au stracchino - qu'on connaît aussi parfois ici sous le nom de crescenza -, fromage blanc italien doux légèrement élastique, crémeux. La combinaison surprend, car le fromage est légèrement salé, mais les textures se complètent, surtout que les figues sont parfaites, ni trop mûres ni trop vertes, et le tout forme une assiette qui tangue justement, entre le plat de fromage travaillé et le dessert. Rien de trop lourd, rien de trop sucré pour ceux qui ont envie de repartir le coeur léger, un pari facile à tenir dans ce petit restaurant qui apporte ainsi sur la scène montréalaise de bien intéressantes nouvelles idées.

Vin Papillon

2519, rue Notre-Dame Ouest, Montréal

www.vinpapillon.com

Prix: petits plats formule tapas, entre 7 et 15$. La carte varie selon les produits en saison.

Carte de vins: là aussi, la carte bouge, s'adapte. La maison privilégie les vins naturels.

Atmosphère: lieu ouvert, assez bruyant, qui remplit vraiment son rôle de bar à vin de quartier, convivial, où on va avec des amis pour rigoler, pas en couple pour une soirée romantique ni avec un client pour conclure un accord sérieux et secret. Quand il fait beau, on mange au jardin.

Service: efficace, mais bien occupé. À ne pas manquer: les conseils en vin de la sommelière, Vanya, qui est aussi un peu maître d'hôtel et copropriétaire.

(+) Une cuisine originale, remplie de légumes savoureusement préparés, et une atmosphère de bistrot de quartier allumé du tonnerre.

(-) On ne prend pas les réservations.

On y retourne? Oui, sans hésiter.