Ils ont fait partie de nos vies, de nos familles pendant des années, des décennies, même. Remplacés par des plus jeunes, des plus cools, des plus bios, des plus chics, ils demeurent malgré tout sur les étalages de la pharmacie du coin, attendant peut-être d'être remis au goût du jour ou de carrément expirer de leur belle mort. Regard sur d'anciens produits de beauté qui ont malgré tout survécu aux modes.

PARFUM ANAÏS ANAÏS

Plusieurs de celles qui sont devenues ados dans les années 80 seront gagnées par la nostalgie à la seule vue de la boîte au motif doux floral. Anaïs Anaïs de Cacharel a côtoyé les affiches de Madonna, les camisoles filets, les Ray-Ban, les piles de Filles d'aujourd'hui, les teintures Flirt et autres essentiels des contemporaines de Molly Ringwald, avec son packaging qui évoque le filmPretty in Pink.

« On n'en vend presque plus », témoigne l'employée d'une pharmacie Jean Coutu, où le paquet à l'aura victorienne s'efface entre les clinquantes boîtes de Jean Paul Gaultier et Thierry Mugler. La boutique Sephora, rue Sainte-Catherine, ne tient même plus celui qui a été le « premier parfum » d'une génération de romantiques.

Condamné à s'éteindre au bout de son souffle, l'Anaïs Anaïs? Pour lui donner une seconde vie, Cacharel a rajeuni la marque cette année, avec Premier Délice, version actualisée d'Anaïs Anaïs et lancée avec une campagne de pub qu'a réalisée la toute jeune photographe américaine Olivia Bee.

IVORY

Longtemps, très longtemps, le pain de savon Ivory a incarné la pureté, avec sa blancheur virginale et son étrange pouvoir de flottaison. « Ceci n'est pas le savon de votre grand-mère. C'est le savon de votre arrière-grand-mère ! », affiche le site web consacré au blanc pain savonneux inventé en 1879 par Harley Procter (fils des fondateurs de Procter & Gamble).

« Harley Procter avait l'intention de le baptiser tout bonnement "White Soap", mais l'idée du nom "Ivory" lui est venue à l'église, lorsqu'il a entendu un psaume qui faisait référence au palais d'ivoire, affirme Katherine Ashenburg, auteure de l'ouvrage The Dirt of Clean : An Unsanitized History. Ivory a marqué le début de l'utilisation du pain de savon par la classe moyenne », poursuit Katherine Ashenburg.

Or, dans un monde dorénavant conquis par le règne du gel douche et des produits bios, la longévité d'Ivory pourrait être compromise : en août dernier, le Wall Street Journal annonçait que Procter & Gamble avait l'intention de cesser la commercialisation de la mythique barre blanche.



NOXZEMA

Le pot bleu royal avec l'inscription blanche d'antan n'est plus, puisque le packaging du bon vieux Noxzema a été remplacé par une typo plus épurée et un design légèrement actualisé. Mais la crème nettoyante que tant d'ados d'antan ont enduite sur leur peau bourgeonnante possède toujours la même texture singulière et le même arôme un peu médicamenteux.

« À l'époque, une rumeur courait selon laquelle le Noxzema faisait pousser du poil au visage ! », dit en riant une coquette quadragénaire qui a connu les belles années de ce produit mythique. Pourquoi avons-nous remplacé Noxzema par une suite de nettoyants pour la peau aux vertus et emballages toujours de plus en plus sophistiqués ? « Nous avons été victimes du marketing », pense Katherine Ashenburg, auteure de l'ouvrage The Dirt of Clean : An Unsanitized History, qui compare le destin du Noxzema à celui du dentifrice Crest.

« L'autre jour, je me suis rendue à la pharmacie pour acheter un tube de bon vieux Crest classique. Je n'arrivais pas à le trouver, perdu au milieu de 17 variations pour blanchir, combattre la carie, le tartre, etc. C'est la même chose pour Noxzema : c'est un produit qui faisait bien la job, mais qui a été noyé dans nos désirs de concevoir toujours quelque chose de nouveau et amélioré. »



POUDRE POUR BÉBÉ JOHNSON

Sur un site web consacré aux produits non toxiques pour bébés, la consigne concernant l'utilisation de la poudre pour bébés va comme suit : « N'en utilisez pas ! Tout comme l'échappement automatique ou la fumée secondaire, de minuscules particules aéroportées peuvent endommager les poumons délicats du bébé en développement. »

Mince, est-ce que toutes ces générations de mères dévouées qui adoucissaient les fesses de leurs poupons en les enduisant de poudre les ont involontairement contaminés ? L'Académie américaine de pédiatrie s'est prononcée en défaveur de l'usage de poudre pour bébé, en raison des potentiels risques de problèmes respiratoires.

En attendant, les bouteilles blanches de talc Johnson demeurent encore sur les tablettes, auprès de la non moins célèbre huile qui a contribué au bronzage extrême de celles qui jadis aspiraient à ressembler à Bo Derek. On peut quand même trouver un autre usage à la poudre, comme rendre plus glissant un plancher de danse...



PREMIÈRE PERM

« Au salon, quand on fait une permanente, tout le monde le sait ! », lance le coiffeur Alvaro, faisant ici référence à la forte odeur d'ammoniac que dégagent encore et toujours ces formules frisantes qu'ont affectionnées des générations de filles, dont le modèle capillaire était la fameuse « Tony » de Farrah Fawcett. « On n'en vend pour ainsi dire jamais et pourtant, le produit est remplacé sur les tablettes tous les six mois », confirme la vendeuse de Jean Coutu, où nous avons trouvé une boîte de Première Perm.

Dans les salons de coiffure, la permanente vit aussi des temps difficiles, confirme Alvaro. « C'est très rare que nous en faisons, dit le coiffeur québécois. Les années 70 et 80 ont marqué l'âge d'or du « laver sécher », dit Alvaro, qui confie que les permanentes maison n'ont jamais donné de résultats heureux. En revanche, il reconnaît que pour les dames âgées, qui ont de la difficulté à se déplacer et à se rendre dans un salon, le recours à une permanente maison est une approche intéressante pour coiffer les cheveux blancs. Ce qui justifie que l'on conserve ces produits sur les tablettes.