Être un «nez» de la parfumerie, capable d'imaginer et de composer des senteurs, est une affaire d'experts, certes, mais c'est «seulement une question d'entraînement», selon des chercheurs, spécialistes des neurosciences, pour qui ce talent n'est «pas inné».

«Pour être un nez, il faut s'entraîner, faire ses gammes, comme sur le piano pour la musique», dit à l'AFP Jean-Pierre Royet, chercheur au Centre national de la Recherche scientifique (CNRS) et à l'Université Claude Bernard à Lyon.«Être nez n'est pas inné, c'est seulement une question d'entraînement», assure-t-il d'après l'étude qu'il a réalisée avec deux collègues, publiée mardi dans la revue spécialisée américaine Human Brain Mapping.

Tout un chacun est capable de voir en pensée son appartement et de s'y promener virtuellement ou de fredonner mentalement un air apprécié. Mais peut-on se souvenir en pensée de l'odeur du pain grillé ou de celle de la figue au point de sentir cette odeur? L'imagerie mentale olfactive est un exercice beaucoup plus difficile que l'imagerie mentale visuelle ou auditive et la majorité des personnes disent ne pas posséder cette capacité. Cependant, les parfumeurs, experts en olfaction habitués à sentir, évaluer et créer des odeurs, soutiennent être capables de sentir une odeur en l'absence de celle-ci.

Les chercheurs ont voulu le vérifier au niveau du cerveau grâce à l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) en comparant 14 «nez» à des étudiants de l'école de parfumerie de Versailles (ISIPCA). Le nombre de ces «nez», parfumeurs professionnels, n'excède pas 500 dans le monde et 120 pour la France et la Suisse, selon M. Royet.

L'expérience d'imagerie cérébrale qu'il a conduite avec Jane Plailly (CNRS, Lyon) et Chantal Delon-Martin (Institut des Neurosciences, Grenoble) montre pour la première fois que des régions semblables s'activent pendant la perception et l'imagination d'odeurs, et que cette activation est fonction du niveau d'expertise. «Les étudiants de l'école de parfumerie de Versailles font leurs gammes sur quelque 300 substances» comme celles évoquées dans l'expérience.

Dans l'appareil d'imagerie, les participants devaient imaginer mentalement l'odeur de substances dont le nom chimique apparaissait à l'écran. Selon l'étude, l'imagerie mentale olfactive active le cortex olfactif primaire (cortex piriforme) dans les deux groupes, une zone cérébrale d'ordinaire stimulée lors de la perception de l'odeur réelle. Autre enseignement: les parfumeurs étaient capables d'imaginer les odeurs rapidement, voire instantanément, tandis que les étudiants présentaient certaines difficultés et devaient concentrer davantage leur attention. «Ils répondent plus vite. Ils ont une meilleure efficacité et sont mieux câblés», résume M. Royet. Ils peuvent à loisir comparer et combiner mentalement les senteurs dans le but de créer de nouvelles fragrances. Ce qui souligne l'extraordinaire capacité de notre cerveau à s'adapter et à se réorganiser avec l'expérience.