De plus en plus de fabricants de cosmétiques inscrivent les mentions «sans parabènes», «sans phtalates» ou «sans sulfates» sur leurs produits. Mais lorsqu'on regarde la liste des ingrédients de nos crèmes, savons et shampoings, il reste toujours des PEG, du parfum, du laureth sulfate de sodium, etc. Aujourd'hui, la fondation David Suzuki rend publics les résultats d'un sondage mené au printemps intitulé «Ce qui importe le plus, c'est le contenu». Lumière sur les ingrédients mystères qui se trouvent dans nos petits pots.

De nombreuses études, des milliers d'articles, des livres comme Toxic Beauty, Not Just a Pretty Face: The Ugly Side of the Beauty Industry, No More Dirty Looks et Sang pour sang toxique (du toxicologue français Jean-François Narbonne) alimentent la controverse autour de la «beauté chimique».

Au printemps, la fondation David Suzuki a invité les consommateurs à participer à un sondage sur son site web. Ils devaient répondre à quelques questions puis transcrire les listes d'ingrédients de leurs produits de soins quotidiens. Plus de 6000 personnes (dont 84% de femmes) ont pris le temps de ficher ainsi 12 550 produits.

La fondation était à la recherche de 12 ingrédients qu'elle a baptisés Dirty Dozen en raison de leurs effets sur la santé humaine ou sur l'environnement et la faune.

Mikaela Teris, chimiste et cosmétologue à MNK Recherches, trouve d'ailleurs que c'est la première faiblesse du sondage. «Il mélange ce qui est nocif pour l'humain et ce qui est dangereux pour l'environnement. Ce sont deux choses différentes.»

Les résultats du sondage n'ont pas étonné Lisa Gue, analyste de politique en santé environnementale à la fondation David Suzuki. Plus de 80% des produits contenaient au moins un des 12 ingrédients néfastes de la liste dressée par la Fondation. Plus de la moitié en contenaient plusieurs. «Et on peut dire qu'il y en a encore plus dans la réalité, explique Lisa Gue, puisque le sondage a d'abord été soumis à nos membres, qui sont généralement plutôt conscientisés et qui essaient de faire attention à ce qu'ils achètent.»

Le «parfum» était l'ingrédient le plus souvent nommé. «Le «parfum» ou la «fragrance» que l'on trouve dans les produits de soin peuvent contenir des milliers de substances; aucune étude de toxicité n'est faite sur ces ingrédients et encore moins sur leur combinaison, explique la Dre Meg Sears, chercheuse en santé environnementale, notamment pour le Children's Hospital of Eastern Ontario (CHEO). On sait toutefois que le parfum est lié à l'asthme. Certains des pires produits sont ceux dits «non parfumés» mais qui contiennent tout de même des parfums ou même des substances qui trompent notre odorat et agissent donc sur le plan neurologique.»

Deux des recommandations du rapport de la fondation David Suzuki concernent d'ailleurs les parfums: «Exiger des fabricants qu'ils divulguent les ingrédients précis des fragrances» et «Interdire l'utilisation des termes «non parfumé» et «sans fragrance» dans le marketing des produits qui contiennent des ingrédients de fragrance (notamment des agents masquants)».

Ce qui est encourageant, en revanche: 62% des personnes sondées ont affirmé lire les listes d'ingrédients avant d'acheter un produit.

«C'est bon signe. Peut-être que ces personnes cherchent à éviter certains ingrédients, déclare Lisa Gue. Malheureusement, selon une étude américaine, 10 500 substances chimiques peuvent entrer dans la composition d'un produit de soin.»

La Fondation aimerait également que Santé Canada étende à d'autres produits de consommation courante (comme les produits nettoyants, les jouets pour enfants, les meubles, etc., qui peuvent par exemple contenir des phtalates) l'obligation d'inscrire sur l'étiquette la liste des ingrédients, comme il l'a fait en 2006 pour les produits de soin. Nous n'avons malheureusement pu obtenir la réaction de Santé Canada au sondage.

Mme Teris souhaite pour sa part apporter quelques nuances. «Je crois que la Fondation ne mène pas la bonne bataille. Tous les ingrédients de la douzaine se retrouvent dans les cosmétiques, oui, mais en quantité minime. Les produits pharmaceutiques, par exemple, sont bourrés de PEG. Les BHA et BHT, on en mange beaucoup plus qu'on n'en met sur sa peau. Quant aux parfums, je serais beaucoup plus inquiète des parfums d'ambiance synthétique que du parfum qui se trouve dans mon lait démaquillant.»

Et, en ce qui concerne les fameux parabènes, agents de conservation au banc des accusés depuis quelques années, la biochimiste est un peu exaspérée. «Ce serait beaucoup plus risqué d'utiliser un produit contenant un agent de conservation inefficace qu'un produit avec des concentrations minimes de parabènes.»

Infos: www.davidsuzuki.org

À éviter

Quelques produits de soin qui contiennent le plus de produits chimiques néfastes, soit six ou sept des 12 recherchés par la fondation Suzuki.

Fond de teint Photogenic de Lancôme

Shampoing douceur de L'Oréal Kids

Gel douche Clémentine de The Body Shop

Gel nettoyant visage et corps Clean Comfort de Dove Men"Care

Gel nettoyant au lait de chèvre frais de Caprina

Lift anti-rides jour de Clarins

Les 12 ingrédients néfastes selon la fondation David Suzuki

BHA et BHT

Colorants du goudron de houille

Cyclomethicone et siloxanes

DEA, MEA et TEA

Phtalates de dibutyle

Libérateurs de formaldéhyde

Parabènes

Parfum

PEG

Pétrolatum

Laureth sulfate de sodium (SLES) et lauryl sulfate de sodium (SLS)

Triclosan