Un million de bouteilles de plastique sont vendues chaque minute dans le monde*. Désormais, une petite partie d'entre elles se retrouvent dans la fabrication des manteaux Norden, une toute nouvelle marque québécoise créée par un jeune entrepreneur qui espère inspirer un changement dans le comportement des consommateurs.

Mayer Vafi, fondateur de l'entreprise Better Narrative, travaille depuis plus de 15 ans dans l'industrie du vêtement. Il a notamment occupé le poste de directeur de création pour la société montréalaise Pajar. Pendant cette période, il a amorcé une réflexion autour de la matière, de sa provenance et de son impact sur l'environnement et les animaux. « J'ai réalisé qu'il y avait de meilleures façons de travailler », explique-t-il.

Puis en 2015, le grand déclic. En marchant dans les rues de Copenhague, il tombe sur une vitrine de magasin remplie de bouteilles de plastique et portant cette inscription : « I'll send an S.O.S. to the world ». L'appel au secours a résonné auprès de ce Québécois d'origine iranienne. Pendant plusieurs mois, il a multiplié les tests, essayant même de créer un isolant à partir de vêtements déchirés, pour créer une collection de manteaux respectant essentiellement quatre critères : traçabilité des matériaux, faible impact sur l'environnement, performance et abordabilité.

Bouteilles transformées en fil

Le polyester qui sert à la fabrication des manteaux (isolant, doublure et coquille) est produit à partir de bouteilles de plastique par Repreve, une entreprise de Caroline du Nord qui compte aussi Patagonia parmi ses clients. La fibre est certifiée et traçable. Un numéro de série numérique est inscrit sur chaque fil, ce qui permet de connaître le nombre exact de bouteilles utilisées. Ce nombre, qui varie selon les modèles, se situe entre 25 et 99 bouteilles par manteau.

Le lancement officiel de la marque aura lieu l'automne prochain. Mais, histoire de tester le marché, l'entreprise a mis en vente cet hiver six modèles pour hommes et six pour femmes, certifiés entre - 15 °C et - 40 °C.

La réponse des consommateurs est bonne, selon M. Vafi. Il faut dire qu'avec un prix de détail se situant entre 375 $ et 485 $, les manteaux Norden, qui ont obtenu la certification PETA, se distinguent de la concurrence. « Pour créer un vrai changement, on ne peut pas lancer un produit et le mettre à un prix pour les élites, croit-il. Il faut qu'il soit disponible pour tout le monde. »

Selon lui, plusieurs marques populaires « ont entraîné les gens à penser que 700 $, 900 $ pour un manteau, c'est normal ». 

« J'ai conçu au-dessus de 400 000 manteaux dans ma vie. Je connais le prix coûtant. J'aurais pu vendre mes manteaux plus cher. Mais l'entreprise est basée sur une mission et pas seulement sur le profit. »

Cette mission - combattre le fléau du plastique - est au coeur de la démarche de Better Narrative. « À la base, l'entreprise a été créée pour faire penser les gens différemment, les faire réfléchir à ce qu'ils achètent et leur faire consommer moins de plastique », explique Mayer Vafi, qui souligne que les manteaux ne sont qu'une première gamme de produits pour son entreprise.

Une fois le fil sorti de l'usine en Caroline du Nord, il est expédié en Chine où il est tissé et où les manteaux sont assemblés. Des manteaux à vocation écologique fabriqués en Chine ? M. Vafi convient que ce n'est pas idéal, mais soutient qu'il était impossible de les faire fabriquer au Canada sans bâtir sa propre usine et trouver la main-d'oeuvre. 

« La raison première pour laquelle je n'ai pas choisi de fabriquer les manteaux ici au Canada, c'est la main-d'oeuvre. On ne peut pas produire la quantité qu'on veut. Il y a des marques qui disent être fabriquées au Canada. Mais pour moi, pour dire qu'un manteau est "fait au Canada", il faut que le tissu ait été tissé au Canada, que la doublure ait été coupée et collée au Canada, que le manteau ait été construit et fabriqué au Canada. Si vous avez un endroit qui peut faire ça, je suis ouvert à l'idée. Ça n'existe pas. »

Il s'est donc tourné vers une usine chinoise, qui possède les certifications WRAP et BSCI, lesquelles interdisent le travail des enfants et le travail forcé et obligent les usines à respecter les lois du travail et les règles environnementales en vigueur dans le pays où elles sont établies.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

À la fin du processus, on obtient un fil de polyester recyclé.

Le défi de la fin de vie

Bien qu'ils soient faits de bouteilles recyclées, les manteaux Norden généreront tout de même des déchets lorsqu'ils atteindront leur fin de vie utile. C'est un des défis auxquels Better Narrative souhaite s'attaquer. « Mon but est de trouver une solution, pas seulement de créer un délai au dépotoir », assure Mayer Vafi. 

L'entreprise travaille notamment avec Repreve pour trouver une façon de pouvoir revaloriser la fibre utilisée dans ses manteaux. Ainsi, les clients de Norden pourront rendre leur manteau à l'entreprise après un minimum de trois ans, en échange d'un rabais sur l'achat d'un nouveau produit. Mais il admet que la meilleure façon de consommer de façon responsable est de conserver son manteau le plus longtemps possible.

Les manteaux Norden sont vendus en ligne (la version française du site sera bientôt disponible) et chez quelques détaillants, dont Simons et Sail.

* Rapport Euromonitor International, 2017

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

La doublure Polartec qui compose les manteaux Norden
est aussi faite de fibre recyclée, à partir de bouteilles
de plastique.