«Personne ne pourra le remplacer». L'émotion était palpable aux Fashion Week de Londres et Milan mardi, après la mort de Karl Lagerfeld, dont la carrière exceptionnelle a été une source d'inspiration pour des générations de professionnels du secteur.

Après plus de 80 défilés et présentations depuis vendredi, le grand rendez-vous de la mode londonien s'achève mardi tandis que s'ouvre celui de Milan. Sur une note sombre.

«C'est une telle perte. Je sais qu'il n'était pas si jeune mais je ne m'y attendais pas. Une telle nouvelle pour le dernier jour de la Fashion Week, c'est tellement triste», confie ému, Edson Toniato, un étudiant en mode à Londres, costume noir et col roulé bordeaux.

Girly, une chanteuse croisée devant le 180 Strand, le centre névralgique de la Fashion Week londonienne, a elle aussi du mal à réaliser. Karl Lagerfeld, dit-elle, cultivait une «telle image», avec ses éternelles lunettes de soleil et sa crinière blanche, «qu'on pensait qu'il n'était pas humain, qu'il n'avait pas d'âge. Donc l'idée même qu'il soit mortel est choquante».

Interrogé par l'AFP à quelques heures de son premier défilé pour Benetton, en ouverture de la Fashion Week de Milan, Jean-Charles de Castelbajac s'est lui dit «bouleversé» par la mort du «père de tous les directeurs artistiques».

«Parce qu'il a su avoir l'humilité de se mettre au second rang, tout en restant lui-même, en étant un personnage presque romanesque, et en révélant l'ADN de maisons comme Chloé, comme Fendi, comme Chanel, et ça c'est extraordinaire», a affirmé le créateur, estimant que «c'était aussi un homme ouvert au futur. [...] Nous avons perdu un visionnaire, mais nous gardons sa vision».

«Il vivra éternellement»

Chez Fendi, qui présentera jeudi sa nouvelle collection, la dernière donc signée par Lagerfeld, on saluait le «génie créateur» de celui qui a rejoint l'atelier créatif de la marque romaine en 1965. Une collaboration de plus de cinquante ans, qui constitue un record dans le monde de la mode.

«Je suis profondément attristée car nous avons perdu aujourd'hui un homme unique et un designer incomparable, qui a tant donné à Fendi et à moi-même», a déclaré dans un communiqué Silvia Venturini Fendi, directrice créative pour les collections Homme, accessoires et enfant. «Je n'étais qu'une enfant lorsque j'ai vu Karl pour la première fois. [...] Karl Lagerfeld a été mon mentor et mon point de référence», a-t-elle ajouté.

Carlo Capasa, président de la Chambre nationale de la mode Italienne a lui aussi salué le génie du styliste. «Vous avez changé le cours de la mode, inspiré des générations et surtout, vous nous avez donné la possibilité de rêver».

Le public de la Fashion Week londonienne a aussi souligné la manière dont le flamboyant couturier allemand, mort à 85 ans, a influé sur l'industrie de la mode.

«C'est un moment historique pour la mode», souligne David Martin, qui travaille dans la presse spécialisée, saluant «l'audace» dont faisait preuve Lagerfeld, mais aussi sa capacité de travail, sa propension à «tout contrôler, jusque dans les moindres détails».

«Il a inspiré des générations et des générations», insiste-t-il. Citant également Donatella Versace et Giorgio Armani, David Martin estime que «ces génies ont fait l'industrie de la mode que nous vivons aujourd'hui. Sans eux, nous n'en serions pas là».

Kitty Shukman, 24 ans, fait partie de ces générations bercées par les défilés Karl Lagerfeld. Cette jeune styliste, diplômée en 2018 du London College of Fashion, dispose d'un petit stand au sein de la Fashion Week, où elle expose ses créations: des chaussures sportswear au look futuriste et audacieux. «Pendant mes études, j'ai toujours recherché des références dans son travail», explique-t-elle.

Elle aussi loue son aptitude à «travailler incroyablement dur»: «Son dévouement envers Chanel était incroyable. C'est quelque chose dont je veux m'inspirer pour ma carrière: montrer ce même dynamisme, cette même passion», poursuit-elle, sans pouvoir s'empêcher de sourire en repensant à une de ses citations les plus célèbres: «Les pantalons de jogging sont un signe de défaite».

«Personne ne pourra le remplacer», juge de son côté Ann Marie Haynes, employée dans le merchandising mode. Mais qu'importe, ajoute-t-elle aussitôt: «À travers son travail et (ceux qu'il a inspirés), il vivra éternellement».