En revêtant des habits blancs la semaine dernière lors du discours sur l'état de l'Union du président Trump, les représentantes démocrates ont fait la preuve que les vêtements sont beaucoup plus que des parures superficielles et peuvent devenir des symboles puissants, porteurs de messages sociaux et politiques. La preuve par cinq.

Bloc blanc 

Toutes vêtues de blanc, les congressistes démocrates ont volé la vedette au président Trump, lors du discours sur l'état de l'Union, avec leur message impossible à manquer, celui de la lutte pour l'égalité des sexes, en référence notamment aux suffragettes, qui se sont battues pour le droit de vote des femmes au début du XXe siècle en enfilant des robes blanches.

«Le blanc rappelle aussi le complet blanc de Hillary Clinton [elle avait porté un complet blanc à l'investiture du Parti démocrate, en 2016]. C'était plus efficace et puissant que l'an dernier, où les démocrates étaient vêtus de noir, cette étendue blanche. Le blanc envoie aussi un message plus positif, joyeux», analyse Madeleine Goubau, chargée de cours à l'École supérieure de mode de l'UQAM.

Gilets jaunes, le symbole parfait

Il n'y a sans doute pas d'exemple plus éloquent de militantisme vestimentaire que les fameux gilets jaunes qui déferlent sur toute la France pour manifester notamment contre la décision du gouvernement d'augmenter les taxes sur les carburants.

«C'est un des éléments vestimentaires qui s'identifient le mieux à ce combat, constate Mme Goubau. C'est un vêtement associé au Code de la route, qui est aussi utilisé comme signal de détresse sur la route. En France, tout le monde doit en avoir un dans son auto, c'est imposé par le gouvernement, c'est un détournement intéressant. Le gilet jaune devient donc le symbole parfait du mouvement.»

Le noir pour #timesup et #metoo

Alors que les mouvements #metoo et #timesup étaient sur toutes les lèvres aux États-Unis, la grande majorité des actrices qui ont foulé le tapis rouge de la cérémonie des Golden Globes ont décidé de montrer leur appui en s'habillant en noir l'an dernier. Une prise de position forte et visuellement efficace dans cet univers glamour, léger et pailleté.

«Ici, le choix du noir indique clairement qu'on n'est pas dans le bonheur ou la joie, on porte la couleur du deuil. C'est aussi une volonté de ne pas s'habiller de façon hypersexuelle, mais neutre et solidaire. C'était une belle stratégie», remarque Mariette Julien, spécialisée en sociologie de la mode et professeure associée à l'École supérieure de mode de l'UQAM.

Marée rose sur Washington

Prendre des paroles controversées de Donald Trump et les détourner habilement dans un accessoire vestimentaire à porter lors d'un grand rassemblement pour protester massivement contre son inauguration comme président et défendre les droits des femmes: voilà exactement la mission que s'est donnée le «Pussyhat Project», dont le nom fait évidemment référence au désormais célèbre «Grab them by the pussy» lancé par Trump.

Ce petit bonnet tricoté rose aux oreilles de chat, dont le patron est diffusé gratuitement en ligne, a rassemblé rapidement une communauté et donné lieu à des rapprochements. «À la marche des femmes au lendemain de la prestation de serment de Trump, il y avait une vraie marée rose sur Washington», se souvient Mme Goubau.

Le vêtement, vecteur d'expression

Elle a fait réagir, Catherine Dorion, avec son t-shirt affichant le nom du poète franco-ontarien Patrice Desbiens, lors de son premier discours à l'Assemblée nationale. Au point où son habillement, et, dans une moindre mesure, celui du député Sol Zanetti (vu en jeans et chaussures de sport), a forcé l'Assemblée nationale à se questionner sur le code vestimentaire des députés.

Le fait que cette question polarise autant indique qu'il y a un choc de valeurs générationnel, car les milléniaux posent un tout autre regard sur le vêtement. «Pour les jeunes, la quête d'authenticité est très importante. Être vrai, c'est s'habiller tout le temps pareil, qu'on soit au théâtre ou à l'Assemblée nationale», remarque Mme Julien.

Le vêtement, comme le très populaire t-shirt à message, est aussi désormais un instrument politique et vecteur de prise de position. Milan Tanedjikov, chargé de cours au collège LaSalle et à l'UQAM, voit la tendance dans ses classes. «Dans environ 95 % des collections que je supervise, il y a toujours un quelconque message, une dénonciation qui souvent va l'emporter sur la portabilité ou la commercialité. Ça participe du mouvement de la "woke fashion", qui comprend notamment les t-shirts à message qu'on voit partout. Utiliser les vêtements pour critiquer l'establishment, c'est très répandu aujourd'hui.»

Photo Chris Pizzello/Invision/associated press

Un groupe d'actrices prend la pose, toutes de noir vêtues, au gala des Golden Globes.