Bien qu'à peu près aucune chaussure ne se fabrique au Québec, cela n'empêche pas des designers d'ici d'apposer leur griffe unique sur des modèles tendance et de qualité manufacturés ailleurs. Pause vous présente deux jeunes entreprises montréalaises qui ont le vent dans les voiles :  Cartel Footwear et Intervalle.

Cartel Footwear: classique rebelle

En fondant l'automne dernier sa propre entreprise, Cartel Footwear, Davis Guay a d'abord voulu créer des chaussures qui lui plaisent et reflètent son style. Style qu'il n'est manifestement pas le seul à apprécier, car ses modèles, qui sont classiques mais avec une petite touche punk-rock, ont vite attiré l'attention de clientes partout au pays.

Le designer

Avant de fonder sa propre entreprise, Davis Guay a travaillé plusieurs années chez Aldo, où il a été acheteur, mais aussi au développement de produits. « Aldo a été mon école, c'est là que j'ai étudié les chaussures ! », explique-t-il. Le jeune créateur - qui a travaillé dans l'industrie de la musique punk autrefois - vit à Montréal depuis une dizaine d'années et a adopté le quartier Saint-Henri, où la mixité sociale et le « clash » des cultures l'inspirent beaucoup. « Je peux aller dans un show punk-rock un soir et dîner dans un restaurant chic le lendemain et m'inspirer autant des deux expériences. »

Petite histoire de l'entreprise

Cartel Footwear a lancé sa toute première collection à l'automne 2015, et a reçu un accueil enthousiaste du public ; il vient tout juste de dévoiler sa collection printanière. Chez Aldo, M. Guay devait penser à un large public lorsqu'il choisissait les modèles à commercialiser. Avec Cartel Footwear, il a voulu se donner la liberté de créer un produit plus pointu, qui correspond davantage à ses goûts et à ses valeurs. Son mantra : un design qui demeure classique et intemporel, mais avec un petit côté rebelle, à l'image du jeune homme tatoué, mais qui aime s'habiller simplement, le plus souvent avec un jeans et un t-shirt blanc.

La philosophie

Durables, classiques, actuelles sans être victimes de la mode : si les chaussures de Davis Guay se posent à contre-courant de la fast fashion, c'est tout d'abord par inclinaison personnelle. « C'est ma façon de magasiner, je n'achète pas de fast fashion. Je suis le genre de personne qui use ses vêtements. Je porte mes Converse depuis dix ans, et j'ai probablement cette paire de jeans depuis six ans. Je ne suis pas un type de gars qui achète et jette. Ce n'était pas un choix stratégique de ne pas être fast fashion... Ma philosophie personnelle est seulement devenue celle de Cartel », détaille-t-il.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Davis Guay, l'homme derrière Cartel Footwear.

Les produits

Le produit phare de Cartel est la botte Chelsea noire en cuir, un classique qu'il décline en quelques variations. « Comme je ne fais que deux collections par année, cela me donne le temps de réfléchir et de choisir les modèles qui me semblent pertinents. Je me limite à environ 30 modèles par collection. » Sa façon de rester dans l'air du temps, tout en respectant sa philosophie ? Réactualiser les matériaux, les formes, les silhouettes, travailler sur les petits détails. Ainsi, pour le printemps, le designer a aussi ajouté quelques touches de « couleur » (du brun, de l'argenté) et intégré du suède ainsi que de nouveaux modèles, comme les sandales et les flâneurs.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Le produit-phare de Cartel Footwear est la botte Chelsea noire, qu'il décline en quelques variations.

La fabrication

Toutes les chaussures de Cartel sont fabriquées au Mexique, en plus du cuir et des semelles (en cuir, un trait distinctif de la marque) qui viennent aussi du pays. « Le Mexique a une histoire très riche en ce qui a trait aux chaussures ; c'est là que sont fabriquées les bottes westerns et les sandales Huarache. Même si les usines sont très modernes, les traditions sont encore vivantes, et j'ai beaucoup appris en passant du temps dans les manufactures avec les artisans. En tant que designer, c'est facile de prendre un crayon et un papier et d'imaginer une chaussure, mais il faut qu'elle reste dans le pied, qu'elle soit confortable, etc. Ce sont des petits détails qui font toute la différence et qui vont faire en sorte que la chaussure va durer dans le temps. »

La clientèle

Si M. Guay aimerait éventuellement ajouter une offre pour hommes à sa collection, pour le moment, il se concentre sur les femmes. Sa cliente typique ? Bien difficile à définir, réalise-t-il. « Quand j'ai lancé la compagnie, j'avais une idée préconçue de ma cliente, mais je me rends compte que c'est plus large que ce à quoi je m'attendais. Comme nos styles sont classiques, beaucoup de gens s'y reconnaissent. Notre cliente peut à la fois être une jeune fille de 17 ans très "hip" ou encore des amies de ma mère ! » Malgré tout, il a remarqué un dénominateur commun : des gens qui sont attirés par la qualité.

Les chaussures de Cartel Footwear sont offertes en ligne.

Intervalle: occuper l'espace

L'idée derrière Intervalle, c'est d'investir l'espace peu exploité dans l'industrie du « moyen de gamme », soit des chaussures de qualité, collées sur les tendances du moment, mais offertes à des prix qui ne sont pas exorbitants. Et avec le succès que connaît l'entreprise montréalaise depuis sa création l'an dernier, on peut dire que c'est mission accomplie.

Les propriétaires

Intervalle est le projet du couple formé par Vicky Scalia et Sam Assaf. Elle s'occupe de la marche courante des affaires et de la gestion, alors qu'il signe les designs. M. Assaf a une feuille de route impressionnante en matière de chaussures, un milieu où il évolue depuis 20 ans : d'abord styliste, il a ensuite travaillé pour Aldo et a fait de la consultation pour des stars comme Madonna, Nicole Ritchie et la famille Kardashian... rien de moins !

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Sam Assaf et Vicky Scalia, le couple derrière Intervalle.

Petite histoire de l'entreprise

Pourquoi Intervalle ? « Je voulais créer ma propre ligne depuis longtemps, j'attendais seulement le bon moment pour me lancer », explique M. Assaf. Tout a commencé au printemps 2015 avec l'ouverture de la boutique éponyme sur le Plateau. Rapidement, le concept a fait des petits avec une deuxième boutique au Centre Eaton et une boutique éphémère au Fairview Pointe-Claire (qui devait être là pour quelques semaines en novembre et qui prolonge depuis ses activités). Les propriétaires, qui viennent de recevoir la bourse du Commerce de l'année remise par la Société de développement de l'avenue du Mont-Royal, ont d'ailleurs annoncé à La Presse l'ouverture d'une autre boutique au centre-ville, rue Sainte-Catherine, coin Crescent, prévue pour avril. Les propriétaires ont aussi des vues sur Toronto, New York et même l'Europe pour éventuellement étendre leurs activités hors du Québec.

La philosophie

Nouveautés et une certaine exclusivité : voilà le leitmotiv derrière Intervalle. « Nous avons des nouveaux modèles qui arrivent aux 10 jours en boutique, dont il y a toujours une continuité de nouveaux styles. Les clientes sont habituées d'avoir ce choix et nous voulons leur offrir », explique Mme Scalia. Le concept se rapproche donc davantage d'une succession de petites collections capsules offrant une certaine exclusivité (puisque produites en édition limitée) que de grosses collections saisonnières. Les prix voyagent normalement entre 150 $ et 250 $. « On n'est pas Aldo, mais on n'est pas Browns non plus », illustre M. Assaf.

Les produits

En boutique, les modèles sont variés : les chaussures plates côtoient les bottillons, les bottes hautes, les talons hauts et les sandales. Inspirées par la mode de rue, les chaussures pour femmes proposées par Intervalle s'inspirent des grandes tendances internationales. « Ce printemps, les années 70 sont très fortes, donc en chaussures, on va voir beaucoup de plateformes, de bois et de liège. Le look western, avec les bouts pointus, est aussi très présent », détaille M. Assaf. Plus créateur et concepteur que designer, M. Assaf travaille avec deux designers qui couchent sur papier ses multiples idées.

La fabrication

Toutes les chaussures sont fabriquées en Europe, la plupart en Espagne, et certaines en Italie. Comme Intervalle ne travaille qu'avec des petites usines qui ne peuvent fabriquer plus de 60 modèles par jour, il leur est impossible de produire de grandes quantités. En revanche, l'entreprise a la latitude pour produire rapidement plusieurs modèles différents, afin d'avoir un roulement en boutique. Les modèles sont en cuir ou en suède, alors que les semelles sont en caoutchouc.

La clientèle

Intervalle s'est d'abord installée sur le Plateau pour rejoindre une clientèle bien ciblée et particulière, qui connaît bien la mode, recherche la qualité et la tendance, mais à un prix somme toute abordable.

Les chaussures d'Intervalle sont offertes dans les trois boutiques ainsi que sur leur site web.

PHOTO FOURNIE PAR INTERVALLE

Bottes Vansi Tan en suède, 198$, Intervalle, offert en ligne ou en boutique.