Montréal est une ville de contrastes. La métropole est en effet souvent consacrée par ses habitants et ses voisins comme «la» ville de la mode du Canada.

Après tout, Montréal a donné naissance à de nombreux créateurs de mode.

On pense bien sûr à Rad Hourani, artiste et designer «unisexe» admis à la Chambre syndicale de la haute couture, et qui crée un pied ici, un pied à Paris. Ou encore à Thomas Tait, designer originaire de Montréal, un ancien de LaSalle, qui fait des émules à Londres. Sans oublier le créateur de chaussures Jérôme C. Rousseau, installé en Californie.

Montréal est aussi la ville d'origine de certains des créateurs de mode les plus influents au Canada : Denis Gagnon, bien sûr, Philippe Dubuc, Marie Saint Pierre, pour ne citer qu'eux. Et la métropole reste un vivier très riche de designers émergents (Xavier Laruelle, UNTTLD, Mélissa Nepton, etc.).

Et si les détaillants québécois connaissent des difficultés, de grandes entreprises d'ici semblent malgré tout bien tirer leur épingle du jeu (c'est le cas, bien sûr, d'Aldo, mais aussi de Ssense, d'une maison comme Mackage ou encore de la start-up Frank & Oak).

De talent, Montréal ne manque donc pas.

Dilemme entre confort et style

Pourtant, l'allure des Montréalais reste... insaisissable.

Le climat extrême pousse souvent aux concessions vestimentaires les moins heureuses.

Confort ou esthétique? Tel est le dilemme cornélien auquel les Montréalais font face six mois par an. Chacun cherche la formule pour éviter de se transformer en bonhomme Michelin en plein vortex polaire.

Ainsi, si l'on ne peut qu'admirer l'élégance parisienne ou new-yorkaise, force est d'admettre que les éléments, ici, sont souvent contre nous (ou contre le port de la veste bien coupée ou des petites bottines à talons).

Montréal a aussi ses modes particulières. C'est ce qu'observait, du moins, un article raillant certains créateurs québécois paru à l'été dans le magazine Vice. Son auteure, Kara Crabb, concluait, à l'issue de sa virée sur le Plateau, qu'une mode «atroce» pour femmes était le prix à payer pour la douceur de vivre au Québec.

Mauvaise foi? Sans doute.

Quand on se promène à Montréal, ce qui frappe, c'est la pluralité des styles que l'on y croise.

«Il y a une belle culture vintage et street ici», estime Isaac Larose, cofondateur de la maison Larose Paris.

Et si c'était ça, le style de Montréal? Une liberté qui se moque des tendances et des diktats, où l'on tolère les faux pas et les outrances?

Joueur de hockey ou designer émergent, étudiant ou créateurs férus de design et d'architecture. Toutes les personnes qui ont accepté notre invitation cultivent ici un style qui leur est propre, et s'expriment aussi par leurs vêtements.

Tous incarnent, à leur façon, une des nombreuses facettes de Montréal.

Certes, Montréal n'est pas une grande capitale de mode - ni même «la» ville de mode au Canada. Mais la métropole reste un terrain de jeu formidable pour celles et ceux qui osent.

MARIA VARVARIKOS PEART

FONDATRICE DE L'AGENCE ZOÏ

SON STYLE

«On me définirait, je crois, comme quelqu'un de sophistiqué. J'ai beaucoup d'admiration pour les designers. Je suis aussi un peu avant-gardiste, sans doute.»

SES INSPIRATIONS

«Les voyages sont vraiment importants pour moi. Je rapporte des robes, écharpes ou des bijoux.»

SON ÉVOLUTION

«J'ai toujours été quelqu'un qui recherche des designs uniques. Quand on est jeune, on est plus libre, mais j'ai dû faire certains changements pour m'habiller de façon plus appropriée pour mon travail. Quinze ans plus tard, je retrouve un peu cette liberté.»

ELLE AIME

«Renata Morales. Les magasins Cahier d'exercices, Ssense et WANT Apothecary.»

SUR LA PHOTO

Maria Varvarikos Peart représente de grandes marques ici (notamment Louis Vuitton, Maison Kitsuné, Tiffany & Co., WANT). Son allure est toujours impeccable. Élégante, la jeune femme a un certain appétit pour le travail des designers. Elle nous a reçus chez elle, à Habitat 67.

P.K. SUBBAN

DÉFENSEUR DU CANADIEN

LE STYLE

«Chacun définit son propre style. Pour moi, c'est une façon d'établir ma différence parmi des milliers d'autres personnes. Il faut avoir quelque chose que les gens reconnaissent.»

SON STYLE

«Plus tu vieillis, plus tu deviens expérimental. Mais moi, je veux toujours avoir l'air classe et élégant.»

SON TAILLEUR

«Je viens chez mon tailleur depuis quatre ans [Sartorialto] et c'est très drôle. Parce que c'est un défi de garder l'esprit ouvert. Il faut vouloir changer, et c'est là où beaucoup d'hommes deviennent mal à l'aise. Mais la mode, c'est aussi tester ses limites.»

SA SIGNATURE

«Mes mouchoirs de poche. On en parle toujours! Comment font-ils pour être parfaitement plats? Mes mouchoirs de poche ne sont jamais fripés. Seul un quart de pouce dépasse: rien de plus. Un quart de pouce, c'est tout.»

MAKING OF DE LA PHOTO

P.K. Subban prête une grande attention à ce qu'il porte et est, sur le sujet de sa garde-robe, intarissable. Aussi se plie-t-il avec beaucoup de simplicité et de naturel aux questions-réponses tout comme aux séances photo. Il a de l'humour, mais prend son allure au sérieux: c'est une manifestation de sa personnalité. Et c'est à Montréal que le joueur vedette de la LNH a développé son oeil et son goût pour le sur-mesure.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

ISAAC LAROSE ET FLORENCE PROVENCHER-PROULX

COFONDATEUR DE LAROSE PARIS; ÉTUDIANTE AU COLLÈGE LASALLE

LE STYLE

Isaac: «C'est assumer ce qu'on porte, être capable de véhiculer sa personnalité par son habillement.»

LEUR STYLE

Isaac: «Street, hobo, chic.»

Florence: «On aime les contrastes. Je n'ai pas le côté street d'Isaac. Je ne porte pas des articles avec des logos, mais je suis hobo et chic.»

Isaac: «On s'influence mutuellement.»

LEUR ÉVOLUTION

Isaac: «Je ne peux pas dire que mon style est fixé dans le temps. J'ai des influences qui vont rester, d'autres qui vont partir. Ce qui va rester, c'est une qualité dans le vêtement et la culture street.»

MAKING-OF DE LA PHOTO

Créatifs, Isaac Larose et Florence Provencher-Proulx incarnent un certain esprit d'aujourd'hui. Soucieux de l'histoire des vêtements, pas consuméristes, ils cultivent une allure qui leur est très personnelle. Florence porte ainsi une chemise Dries van Noten pour hommes, avec des pantalons qu'elle a refaits elle-même à partir de deux pantalons usagés. On retrouve les créations d'Isaac Larose (les chapeaux et casquettes de Larose Paris) dans certains des magasins les plus prestigieux du monde.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

CÉLINE BÉLAND

STYLISTE, CHARGÉE DE COURS AU COLLÈGE LASALLE

SON STYLE

«Un style, c'est un tout. J'ai un style qui n'est pas girly, ça, c'est sûr. Je m'adapte facilement aux nouvelles tendances, mais en même temps, je suis une fille qui bouge. Je choisis toujours mes vêtements en fonction de ma personnalité.»

SON ÉVOLUTION

«J'ai commencé à aller chez Renaissance quand j'ai arrêté d'être styliste pour les magazines. Ça me plaisait beaucoup de rechercher des idées dans les magasins, et j'ai remplacé ça en commençant à chercher de la vaisselle. J'y ai pris goût ensuite avec les vêtements. Une garde-robe se construit dans le temps. Elle peut être durable, sans être matante.»

SES DÉBUTS

«J'étais au cégep à la fin des années 60, 70, j'étudiais en sciences pures et la mode était alors un peu post-hippie. Moi, je m'achetais Vogue et je cousais mes robes d'après les modèles. J'amenais un certain style qui se démarquait. C'est ce que j'aime du style: affirmer une identité qui nous est propre. Le style, c'est une façon de s'émanciper.»

MAKING OF DE LA PHOTO

Céline Béland a été styliste de magazines. Aujourd'hui, elle est styliste personnelle, et chargée de cours au Collège LaSalle. Amatrice de mode, elle regrette toutefois la tendance fast-fashion qui pousse à acheter des vêtements pour les jeter très rapidement. Céline Béland a conservé certaines paires de chaussures très longtemps. Féminine et originale, elle assume ce qu'elle porte.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

JORDAN BILODEAU

ÉTUDIANT EN MARKETING (UQAM)LE STYLE

«C'est une façon de montrer à des milliers d'inconnus qui on est. Je ne me définis pas par mon style uniquement, mais c'est une grande partie de moi.»

SON STYLE

«J'aime les choses simples, minimalistes. J'aime être en noir, avec une touche de couleur.»

SES INSPIRATIONS

«Je suis influencé par ce que je lis, dans les blogues ou les magazines (HighSnobiety, GQ, Numero). Dans les derniers mois, j'ai été influencé par un voyage que j'ai fait en Europe.»

SON ÉVOLUTION

«Je viens de l'Abitibi, et même plus jeune, j'ai toujours été un gars différent. Quand j'ai déménagé à Montréal, j'ai pu m'épanouir. J'ai l'impression d'avoir peaufiné mon style au cours de ma vie.»

MAKING OF DE LA PHOTO

Nous avons rencontré Jordan Bilodeau un après-midi d'automne, chez lui, près du «ghetto McGill». Son appartement offre une vue très inhabituelle de Montréal. Le jeune homme mène une vie d'étudiant normale et, en dépit de son jeune âge, fait des achats réfléchis, pour du long terme.

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MYRIAM ACHARD

DIRECTRICE DES RELATIONS PUBLIQUES ET DU DÉVELOPPEMENT DU CENTRE PHI

SON STYLE

«Assez éclectique. Je ne suis pas fidèle à un designer, j'aime que ça soit varié, sortir du lot. Par mes cheveux, je sors déjà du lot!»

SON ÉVOLUTION

«Il y a eu un déclencheur, quand j'ai rencontré mon mari. C'est souvent lui qui fait mon "stylisme". J'ai toujours aimé les vêtements, mais depuis 10 ans, ça a pris une certaine tangente. C'est grâce à lui.»

SON ÉLÉMENT SIGNATURE

«Mes lunettes. C'est un statement!»

ELLE AIME

«Denis Gagnon.»

SUR LA PHOTO

On a rencontré Myriam Achard au Centre Phi. Elle porte une camisole Denis Gagnon, un pantalon en cuir Surface to Air, une paire de bottes Aldo et une veste Drykorn.

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BYRON ET DEXTER PEART

COFONDATEURS DE L'AGENCE WANT ET DE WANT LES ESSENTIELS DE LA VIE

LEUR STYLE

Byron: «Classic with a twist.»

Dexter: «Je dirais moderne et élégant. Plus je vieillis, plus je suis sensible aux matériaux et aux tissus. Mais il faut avoir une twist moderne. On peut porter quelque chose de classique, mais qui ne fait pas grand-père. Il faut avoir une touche personnelle.»

LEUR ÉVOLUTION

Dexter: «C'est un work-in-progress. Mais depuis que je suis jeune, j'adore le bleu et le brun.»

Byron:  Quand on est plus jeune, on fait plus d'expérimentation. Pour moi, le style, c'est trouver l'équilibre entre ce qui est personnel et ce qui est fashion. Quand j'étais plus jeune, j'étais plus tendance. J'adorais m'habiller pour sortir le soir. Maintenant, je n'ai plus de nighttime look. J'aime juste être élégant.»

Dexter: «Je regarde les photos de John Kennedy, de Miles Davis. Il y a un style d'hommes élégants, confiants et c'est ce que je recherche.»

LEURS PLAISIRS

Dexter: «Le cachemire. J'adore ça. Et les écharpes.»

Byron: «J'aime beaucoup acheter les chaussures. Je ne pense jamais que j'ai assez de chaussures. C'est l'article pour lequel je dépense le plus.»

MAKING OF DE LA PHOTO

Nous rencontrons les frères Peart dans les bureaux de WANT, dans le nord de Montréal. Byron et Dexter, qui passent beaucoup de temps en voyage, sont parmi les ambassadeurs les plus connus de Montréal. Avec l'agence WANT et leurs magasins (à Montréal, Toronto, Vancouver), ils ont contribué à faire connaître des marques européennes. Ils distribuent aussi la marque japonaise culte TOMORROWLAND en Amérique du Nord.

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