En achetant en 2012 la maison de couture Vionnet, la jeune femme d'affaires kazakhe Goga Ashkenazi a saisi la chance qui lui était offerte d'entrer dans le milieu très fermé de la mode, même si les portes ne lui étaient pas grandes ouvertes.

Sa dernière collection de prêt-à-porter printemps-été 2015 est présentée à la Fashion week à Paris.

Passée par la prestigieuse université d'Oxford, mais sans réel bagage dans le domaine de la mode, cette séduisante trentenaire, qui compte le prince Andrew parmi ses amis, est pleinement consciente des critiques qui lui sont adressées.

Elle-même se dit détestée par bon nombre de professionnels des podiums qui ne voient en elle qu'une jeune fille riche qui s'amuse à faire de la couture.

Bien décidée à les faire mentir, la jeune femme n'a pas hésité, en reprenant la Maison Vionnet il y a deux ans, à s'attribuer la double casquette de présidente et de directrice artistique.

Elle s'est aussi entourée d'une solide équipe de designers chargée de rendre ses lettres de noblesse à l'institution centenaire, qui fut longtemps la rivale de Chanel.

«J'ai le sentiment d'avoir suivi ma destinée. J'y mets tout mon coeur (...) et m'y consacre pleinement», a-t-elle déclaré à l'AFP.

Fille d'un dignitaire du Parti communiste, proche de Gorbatchev, la brune kazakhe a vécu d'abord à Moscou avant d'être envoyée en Grande-Bretagne suivre des études dans une école privée.

De retour au Kazakhstan, elle sut faire bon usage du carnet d'adresses de son père pour faire fortune dans le gaz et le pétrole en créant son groupe de construction et d'ingénierie «Go To Enterprise».

Photo ALBERTO PIZZOLI, AFP

La jeune femme d'affaires kazakhe, Goga Ashkenazi.

Préserver l'héritage

L'idée de devenir, via sa holding, l'actionnaire majoritaire de la vénérable griffe lui serait venue à la suite d'une rencontre avec l'ancien propriétaire, l'Italien Matteo Marzotto, alors qu'elle achetait une robe.

«Les gens me demandent pourquoi j'ai choisi Vionnet. Je leur réponds que c'est Vionnet qui m'a choisie», raconte-t-elle.

«La réinvention passe par les matières», assure-t-elle encore, soulignant que sa collection a été réalisée à partir de 70 tissus différents, dont certains très technologiques.

La jeune femme, qui vit aujourd'hui à Milan, dit «s'efforcer de rester fidèle à l'enseigne» créée en 1912 et dont la fondatrice, Madeleine Vionnet (1876-1975) est aujourd'hui encore considérée comme l'une des plus grandes créatrices de mode française.

Fortement influencée par la Grèce antique, Madeleine Vionnet a notamment contribué à libérer la femme de ses corsets.

La maison fut liquidée en 1940, mais le nom fut racheté en 1988 par la famille Lummen, qui décida de relancer la marque.

«L'esprit de Vionnet est dans chacune des pièces de la collection», insiste sa nouvelle patronne même si les spécialistes sont partagés sur la question.

Marquée par les tons de blanc et les robes longues drapées, avec quelques touches futuristes, la collection présentée mercredi à Paris est jugée «magique, surréaliste et moderne» par le site spécialisé nowfashion.com.

Style.com a, lui, retenu quelques «belles pièces ça et là» dans un ensemble de vêtements «plutôt dingues» et pour certains «difficilement vendables».

«Il semble que Goga Ashkenazi veuille moderniser la formule Vionnet, la rendre agressivement moderne, le problème c'est que les idées de Madeleine Vionnet sont intemporelles et toujours modernes», ajoute-t-il.

Photo BERTRAND GUAY, AFP

Photo BERTRAND GUAY, AFP