Le gouvernement provincial vient de fermer la porte à L'Adresse métiers d'art, un projet qui proposait de regrouper quatre écoles-ateliers de Montréal sous le même toit, dans le Technopôle Angus. Ce revers inquiète ces écoles affiliées au cégep du Vieux Montréal, qui voient leur pérennité menacée avec le boom immobilier de Montréal.

Les écoles des métiers d'art peuvent-elles encore s'offrir un toit à Montréal?

Rien n'est moins sûr. La hausse du prix des loyers tout comme la revalorisation de certains quartiers, comme le Quartier des spectacles, poussent lentement mais sûrement les locataires moins nantis vers les périphéries.

C'est le cas de l'École de joaillerie de Montréal.

«On n'arrive plus à payer nos loyers», déplore le directeur de l'École, Stéphane Blackburn.

L'établissement, qui offre chaque trimestre des formations à plus de 300 élèves et professionnels, est installé au neuvième étage d'un immeuble du Quartier des spectacles. «C'est de moins en moins adapté pour les artisans», regrette-t-il.

Autrefois prisé des artisans du cuir et de la fourrure, le quartier devient de moins en moins accessible.

Le loyer annuel est de plus de 250 000$ pour 12 000 pi2.

Avec une subvention qui aide à couvrir à peine la moitié du loyer, l'école cherche depuis une dizaine d'années à déménager.

Mais elle a des critères, notamment le besoin d'espace pour installer des machines, qui rendent la tâche ardue.

«Tous nos projets ont échoué», déplore M. Blackburn.

Fondée il y a 40 ans, l'école, organisme à but non lucratif, n'a jamais eu les moyens de s'offrir son propre toit. Mais elle espérait, avec L'Adresse métiers d'art, devenir propriétaire de son bâtiment. Préparé en partenariat avec l'école de lutherie, l'école de construction textile et l'école d'ébénisterie d'art, le projet de 17 millions de dollars prévoyait l'achat et l'aménagement de locaux dans le Technopôle Angus.

Le ministère de la Culture comme le ministère de l'Éducation devaient mettre la main au porte-monnaie. Mais le 5 mai dernier, le ministère de l'Éducation a annoncé qu'il ne pourrait financer ce projet.

Rendez-vous manqué

«On a manqué un beau rendez-vous», déplore la directrice de l'école de construction textile, Suzanne Chabot.

Cette école est située depuis 10 ans dans un immeuble de la rue Saint-Denis, près du boulevard Rosemont. Un quartier qui a aussi bien changé, et où la concurrence est de plus en plus forte: sociétés multimédias et firmes d'avocats sont devenues friandes de ce genre d'espace.

Le loyer annuel est de 132 000$ par an pour une surface de 11 000 pi2 - et, comme pour l'École de joaillerie, la subvention allouée par le ministère de l'Éducation pour la location est loin de couvrir ces frais.

Avec l'ère de vaches maigres qui s'annonce à Québec, les raisons d'être optimiste se font rares.

«Les écoles ne sont pas très riches. Il faut des promesses du gouvernement, et du financement. Malheureusement, c'est un peu une peau de chagrin. Cela menace la survie des écoles à long terme», croit-elle.

M. Blackburn s'inquiète quant à lui de la place que peuvent aujourd'hui occuper les artisans. «Ils ont beaucoup à apporter au milieu culturel», dit-il.