Aucune cloison ne sépare ici le visiteur de la designer: de l'atelier surplombant sa boutique du boulevard Saint-Laurent, Mylène Bélair a un contact direct avec sa clientèle. «Je voulais que les gens puissent voir que tout est fait ici. Ça donne plus de sens à l'objet, dit la créatrice. Et c'est justement pour cette raison qu'elle aime le vêtement: parce qu'il a un sens, une utilité. Mylène B. trouve la beauté dans la fonctionnalité.

La designer met les dernières touches à sa collection printemps-été, laquelle, comme les autres, se décline essentiellement dans les tons de noir, de blanc et de gris. «Je suis beaucoup dans la construction. La neutralité me permet de travailler davantage la coupe», révèle celle dont la rigueur s'exprime jusque dans la coiffure aux contours graphiques.

On vient à sa boutique pour trouver des basiques bien fignolés, avec une touche qui les rend uniques. Pour les vestes, surtout, qui sont ses pièces les plus populaires. «Ça tombe bien, c'est ce que j'aime faire! Il y a une complexité dans ce vêtement qui me branche, quelque chose de traditionnel qui relève un peu de la vieille école», affirme-t-elle.

Fait pour être porté

Certains qualifient son design de cérébral, ce qu'elle prend comme un beau compliment. Elle mise en effet d'abord sur la rigueur dans la confection. Perfectionniste avouée, minutieuse artisane, Mylène veille sur la confection de chaque morceau de la première à la dernière touche, en s'attardant aux menus détails.

Son inspiration provient en partie de la garde-robe masculine dont elle recherche les coupes nettes et structurées, mais ses vêtements sont clairement cousus de façon à épouser les cambrures féminines. «Ma cliente type est une femme qui se connaît bien, remarque-t-elle. Elle ne vient pas chercher un ensemble, mais des morceaux qu'elle agence à d'autres pièces en fonction de sa personnalité.» Justement, une habituée fait son entrée dans la boutique...

Fidèle à la marque depuis 10 ans, Josée-Doris Larche s'avoue accro à la griffe et y revient saison après saison. Ce qu'elle apprécie des créations Mylène B.? Leur côté raffiné et le fait qu'elles font tout simplement bien! Peut-être parce que la designer ne perd jamais de vue la fonctionnalité du vêtement et celles pour qui elle crée.

Sa priorité va d'ailleurs au confort. La plupart de ses créations, bien que structurées, accompagnent le mouvement. Elle explique: «Je ne fais pas du beau pour du beau. Je porte mes propres vêtements pour travailler et ils ne doivent pas être une contrainte. Les tissus doivent être doux et agréables. Je ne veux pas avoir à me soucier de ce que j'ai sur le dos!»

Photo Roger Proulx, fournie par Mylène B.

Chemisier en soie blanche, 250$. Pantalon trois quarts en laine fine, 375$.

Lentement, mais sûrement

C'est probablement son côté terre-à-terre qui l'a aidée à tenir le coup pendant toutes ces années, analyse-t-elle avec le recul. Car le métier exige une certaine résilience, sur le plan financier, notamment. «J'en ai fait, des semaines de mode, mais j'ai vite arrêté. Je me suis rendu compte que l'investissement était beaucoup trop grand pour ce que ça rapporte», dit cette maman de trois garçons âgés de 14, 7 et 5 ans, qui est attendue le soir à la maison. «Et ce côté glamour, ce n'est pas ce qui m'attire. Pour moi, le plus important, c'est le produit et la cliente.»

La designer a plus de 20 ans de métier, une expérience qui s'explique par son entrée précoce sur le marché du travail. Fixée sur son orientation de carrière dès la 6e année, la jeune femme n'a pas chômé. À 18 ans, elle était déjà mûre pour le marché du travail. Sitôt son DEP en mode terminé, elle est allée chercher de l'expérience auprès de Christian Chenail, de Muse, puis dans la mode commerciale, avant de lancer sa propre griffe à 23 ans.

Son parcours est constant et raisonnable. «La progression a toujours été lente, mais je suis comme ça aussi. Je suis adepte du lentement, mais sûrement. Je ne voulais pas être un buzz!»

L'aube de la quarantaine ajoute cependant au fait qu'elle ne souhaite pas perdre son temps dans des futilités. «Je voudrais avoir davantage de morceaux à présenter et faire en sorte que l'expérience soit plus entière pour la cliente. Je préfère cette approche au fait d'accumuler les points de vente.»

À 39 ans, cette maman de trois enfants se pose parfois la question: est-ce que tout ça en vaut la peine? «La réponse, c'est que, pour l'instant, je ne me vois pas faire autre chose! Mais je ne veux plus faire n'importe quoi. Aujourd'hui, je fais moins de choses pour plaire», souligne celle qui se dit prête à passer à la vitesse supérieure.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

«La matière me guide, mais ce qui m'inspire beaucoup, c'est la ligne, la structure du vêtement», dit Mylène Bélair qui travaille avec des couleurs neutres, notamment pour mettre la coupe de l'avant.