Les enfants ont leur propre conception de la mode. Très jeunes, ils s'affirment et affichent leur style, pour le meilleur et pour le pire... Et si nous les laissions nous dire ce qu'ils ont vraiment envie de porter? Sans contraintes de genre, de taille ou de style. Sans adulte, surtout. Nous avons demandé à Marie-Ange Lauzon, 5 ans, et à Simon Pagé, 6 ans, de magasiner des vêtements eux-mêmes. En duo, dans les rayons de L'Aubainerie et de Winners, ils ont fait des choix parfois classiques... parfois surprenants. Voyez en vidéo le résultat coloré de leur séance de magasinage.

Libres de toutes fantaisies... ou pas?

Pantalons verts et chandail de princesse, en superposition avec une veste fleurie. T-shirt de Batman jour et nuit depuis des mois. Vêtements «mous» sept jours sur sept. Même très jeunes, les enfants peuvent avoir une conception bien arrêtée (et très personnelle!) de la mode. Jusqu'où les laisser maîtres de leur look? Nous avons abordé la question avec Stéphanie Léonard, psychologue.

Il s'affirme

La question a beau sembler superficielle, mais certains matins, elle peut être capitale, même chez les tout-petits. Une fillette rejette soudainement toutes ses robes? Son frère ne jure que par un vieux t-shirt de camp de jour? Normal. «Notre rôle, en tant que parent, c'est d'aider notre enfant à se trouver. Et l'habillement, ça fait partie des aspects qui vont faire que notre enfant va pouvoir s'exprimer», résume Stéphanie Léonard, elle-même mère de deux enfants. La psychologue ajoute qu'il faut savoir choisir ses batailles, et surtout, éviter d'en faire un sujet de tension quotidien. «L'enfant essaie de développer sa propre personnalité, son authenticité.»

Une occasion d'échanger

Lorsqu'un enfant ou un adolescent adopte un style en particulier, il s'affirme, certes, mais il nous donne l'occasion d'en savoir davantage sur lui. Pourquoi ne pas profiter de l'occasion pour l'observer, voir ce qu'il tente de devenir? «C'est important pour nous, les parents, de s'intéresser à ce que notre enfant est en train de nous dire sur lui, ou sur elle. On peut en profiter pour lui demander "ah, pourquoi tu aimes ce genre de vêtements?"», suggère Mme Léonard. La mode dictée par les amis, la publicité, les vedettes... autant de circonstances opportunes pour discuter de ce qui nous influence.

Conscients de la «normalité»

Aussitôt qu'un enfant est habillé différemment du mainstream que l'on connaît, les autres vont réagir. Ils sont conditionnés par ce qu'ils voient autour d'eux, et ils s'attendent à ce que tout le monde ressemble à un certain modèle», explique Stéphanie Léonard. Pour certains, même à l'âge préscolaire, être habillé comme les autres, c'est crucial. Avec le temps, ces jeunes acquerront des goûts plus personnels. «C'est normal, mais si ça devient comme une espèce de bouclier pour se protéger parce qu'on a une faible estime de soi, il y a un problème», prévient la psychologue.

En route vers l'autonomie

Il y a la mode... mais il y a le désir de s'habiller seul. Chez les plus jeunes, dès 2 ans, l'enjeu est aussi d'être «capable» de prendre une décision vestimentaire, et de s'exécuter seul, sans aide. Surtout pas! «C'est une étape importante pour l'enfant, et il y a quelque chose de naturel à vouloir essayer des choses, même si ce n'est pas très joli», résume Mme Léonard. C'est le moment de donner quelques conseils sur l'agencement des couleurs, mais si le résultat se veut... original, c'est le moment de lâcher prise et de saluer l'effort!

Libre... mais avec des limites

«Il ne faut pas être dans le grand contrôle. Si on imagine notre enfant d'une certaine façon, ce n'est peut-être pas comment il va vouloir être. Il faut le laisser libre, mais on a quand même un rôle à jouer et on peut mettre des limites», résume la psychologue. Elle cite en exemple les vêtements qui encouragent l'hypersexualisation des fillettes, ou encore les chandails avec des messages violents ou qui frôlent la vulgarité. «On peut aussi décider d'inculquer certaines valeurs à nos enfants, ajoute-t-elle. Notre travail, comme parent, c'est de démystifier l'image de beauté qu'on nous propose... Et il ne faut pas l'oublier: la mode, c'est amusant, ça nous permet de nous exprimer, mais ce n'est pas ce qui définit notre valeur.