La place Vendôme, avec ses nombreuses bijouteries de luxe, est un des lieux les plus sécurisés de Paris, ce qui n'empêche pas des braqueurs têtes brûlées de multiplier depuis septembre les attaques, brutales et risquées.

Cinq vols à main armée spectaculaires commis en moins de sept mois, tous en journée, dans un rayon de trois cents mètres et des préjudices oscillant entre 420 000 et deux millions d'euros: la série noire fait tache, d'autant que lors de son passage au ministère de l'Intérieur, le nouveau Premier ministre Manuel Valls avait fait de la lutte contre les vols à main armée une priorité.

De mémoire de policier, la place Vendôme a déjà connu des attaques rocambolesques dans les années 1970. Puis les malfaiteurs ont migré vers la prestigieuse avenue des Champs-Élysées, toujours à Paris, et plus récemment vers la Côte d'Azur.

«Il y a toujours eu un effet d'entraînement chez les voyous, qui se disent que si d'autres ont réussi, ils peuvent en faire autant», constate Philippe Huetz, adjoint au chef de la Brigade de répression du banditisme (BRB).

«Les malfaiteurs vont toujours aller où se concentre la richesse. Avant, ils visaient les banques. Comme c'est plus compliqué, ils s'adaptent et s'attaquent aux bijouteries», résume le policier. Et malgré les attaques, les vitrines de Vendôme affichent l'opulence propre à la réputation mondiale de ces joailliers et horlogers de luxe.

Un simple lèche-vitrine donne le vertige: des montres à 165 000 euros, de lourds colliers sertis de pierres précieuses et des solitaires semblables à des bouchons de carafe...

Pour les malfaiteurs, «il s'agit de frapper vite et fort, pour jouer sur l'effet de surprise et mettre en échec les dispositifs de protection traditionnels», souligne Jacques Morel, référent sûreté à l'Union française de la bijouterie, joaillerie, orfèvrerie et pierres précieuses (UFBJOP).

Armés de haches

En septembre, c'est une attaque à la voiture-bélier qui permet aux malfaiteurs de s'emparer de près de 2 millions d'euros. Un mois plus tard, une dizaine d'aficionados du «smash and grab» (saisis et fracasses, NDLR), armés de haches et de masses, pillent un horloger, situé en face... du ministère de la Justice. Fin mars, le concept-store Colette est victime d'un duo qui s'empare de montres estimées à 600 000 euros, sous le regard interloqué de sept employés.

Les dénominateurs communs de ces attaques brutales, commises sous la menace d'une arme, mais sans faire de blessés: leur durée, réduite à une poignée de minutes et un butin souvent composé de montres de luxe. «Il y a une grosse demande des pays de l'Est et du Moyen-Orient, moins regardants sur l'origine de ces montres, qui gardent 80% de leur valeur, contrairement aux bijoux», selon une source policière.

Le profil type du malfaiteur lui, est impossible à dresser. «Entre les jeunes malfrats, recrutés dans les pays de l'Est, pour taper les bijouteries en Europe, les petites frappes de banlieue qui montent une attaque à la voiture bélier et le duo de braqueurs grimés, point de lien sinon le lieu», explique le commissaire Philippe Huetz.

«De manière générale, nous avons affaire à des voyous moins professionnels, réunis à l'occasion d'un seul ''braquo''», assure-t-il.

Chez les professionnels, cette série noire inquiète, d'autant plus qu'elle a un effet sur les polices d'assurance, «déjà très lourdes», affirme un bijoutier. Tous se disent «extrêmement vigilants sur cette question», mais «hors de question de communiquer». «La meilleure des sécurités, c'est le silence», lâche un porte-parole.

Depuis le braquage de Colette le 22 mars, une quarantaine de policiers a été spécialement chargée de sécuriser la place Vendôme et ses environs, les rues de la Paix, Saint-Honoré et Castiglione.

Six motards sillonnent ces rues, pour être en capacité d'intervenir très rapidement dans ce secteur, surveillé par plus de dix caméras.

Les autorités mettent en avant plusieurs arrestations dans les récents braquages recensés dans le quartier, à l'instar des neuf malfrats roumains de l'horlogerie de luxe suisse Vacheron-Constantin, recherchés dans plusieurs pays européens pour des attaques similaires.

Pour le numéro deux de la BRB, «les résultats se sont améliorés notamment grâce à l'apport de la police scientifique, mais aussi grâce à l'exploitation systématique des témoignages de vigiles ou de témoins qui permettent de retrouver la signature d'une équipe».