On la savait mannequin et disc-jockey. En s'associant à Reitmans et à la Fondation canadienne du cancer du sein, Ève Salvail révèle son talent pour le dessin, un pan de sa personnalité réservé jusque-là aux intimes. Le top-modèle nous en a dit plus long au cours d'une entrevue accordée depuis New York, où elle vit maintenant.

On ne vous associe pas spontanément à Reitmans. Comment cette collaboration a-t-elle vu le jour?Une amie avait vu mes dessins. Lorsqu'elle a commencé à travailler pour la marque, elle a pensé à moi et m'a proposé de faire une collection de t-shirts sur laquelle ils pourraient être affichés.

Aviez-vous déjà exposé vos créations avant?

Je dessine et je peins depuis l'âge de 7 ans. Mais très peu de gens ont eu accès à cette partie de moi jusqu'à maintenant. C'est une forme de thérapie pour moi, comme un journal intime: quand je suis triste, quand je suis fâchée, je dessine! Tous mes dessins ne sont d'ailleurs pas aussi joyeux que ceux que j'ai créés pour ce projet.

Y a-t-il des thèmes récurrents dans vos dessins?

J'ai commencé à dessiner plus d'oiseaux dans les derniers temps. Règle générale, je fais beaucoup d'autoportraits et d'escargots. Je suis attirée par la lenteur de ces petites bêtes, peut-être parce que je suis moi-même d'un naturel plutôt fébrile. Et depuis 20 ans, je vis à New York, qui n'est pas la ville la plus tranquille! Je pense d'ailleurs à revenir à Montréal, justement pour accéder à plus de calme. J'aurai bientôt 43 ans, je suis prête à tirer ma révérence en tant que DJ...

Comment envisagez-vous ce virage?

J'ai beaucoup de petits projets. J'aimerais faire de la télé à Montréal, peut-être exposer mes dessins aussi...

Que révèlent vos projets et vos différents champs d'intérêt sur vous?

L'art fait partie de ma vie depuis que je suis toute petite. Mes parents enseignaient les arts au cégep. J'avais déjà la piqûre, enfant. Le dessin, c'est un moyen d'expression qui est personnel, introspectif: c'est la petite Ève qui a grandi à Matane, celle qui mettait des pyjamas Walt Disney! Quand je vais sur le stage en tant que mannequin ou DJ, j'ai ma personnalité de scène. C'est un personnage derrière lequel il est plus facile de se cacher.

Le fait de raser vos cheveux était audacieux en 1991. Aujourd'hui, vous arborez toujours un crâne lisse. Est-ce que ça représente la même chose pour vous qu'à l'époque?

Non. À ce moment-là, j'étais une petite punk un peu rebelle et frondeuse. Je n'avais pas pensé recevoir un jour du feedback de gens qui ont le cancer. De voir une jeune mannequin pour Chanel avec le crâne rasé a fait en sorte que certaines femmes, qui se trouvaient laides sans cheveux, y ont vu quelque chose de plus hot. Ça a donné une autre signification à mon geste. C'est un grand honneur d'avoir pu influencer ces gens.

En tant que mannequin, on m'a souvent demandé de changer de tête en laissant pousser mes cheveux ou en les rasant. Un jour, je me suis dit: «Fuck it», c'est tellement moins de trouble de les avoir rasés! Et puis je trouve ça beau. Je trouve que j'ai l'air jeune!

Après 25 ans dans l'industrie de la mode, quel regard posez-vous sur cet univers?

J'ai découvert après coup, en voyant l'exposition sur Jean Paul Gaultier, avec qui j'ai beaucoup travaillé, que les designers sont des artistes. On est tellement «rushés» ici et là comme mannequins qu'on n'a pas le temps d'apprécier l'énergie et le travail investis dans chaque collection. C'est un art que j'ai appris à aimer plus tard.

Dessiner pour la cause

«Je n'ai jamais eu le cancer, mais beaucoup de gens autour de moi ont été affectés par cette maladie. Je trouve capoté qu'en 2014, personne n'ait encore trouvé une cure au cancer», raconte le top-modèle, qui souhaite, avec ses créations, transmettre un message d'espoir à celles qui se battent contre le cancer et à toutes les femmes, quel que soit leur défi.Quatre modèles seront offerts en édition limitée dans les boutiques Reitmans à compter du 8 mai, au prix de 25$ chacun. Les profits des ventes seront versés à la Fondation canadienne du cancer du sein.

Qui est Ève Salvail?

Icône de la mode, elle fait ses débuts en tant que mannequin en 1989 et donne un coup d'envoi à sa carrière en rasant ses cheveux, devenant ainsi la première top au crâne lisse. Muse de Jean Paul Gaultier, la Québécoise originaire de Matane a travaillé avec les plus grands magazines et les plus célèbres designers. On l'a vue au cinéma dans quelques films, dont Zoolander et Le cinquième élément. Elle est aussi DJ-vedette depuis 1997 et se produit sous le nom de DJ Evalicious.

Sa marque de commerce: «Si j'avais un logo à mettre quelque part, c'est sûr que ce serait mon tatouage.» En forme de dragon, ce dernier s'inspire d'une pièce de bronze antique chinoise qui symbolise la bonne fortune et qui, selon ses dires, lui a effectivement porté chance!