On les a vus poser pour les pages en papier glacé du magazine très léché Diary of a Social Gal à la Semaine Mode Montréal ou en couverture d'Elle Québec. Hors glace, P.K. Subban et Brandon Prust n'hésitent pas à afficher leur goût pour la mode et leur souci du style. Beaux joueurs, ils nous ont invités à les suivre chez leur tailleur, à Montréal.

Les vestiaires de hockey vivraient-ils une petite révolution? Longtemps réputés indifférents, voire hostiles à la mode et aux subtilités des tendances, les joueurs de hockey accordent de plus en plus d'attention à leur style hors glace. Une tendance largement assumée par le Suédois Henrik Lundqvist, des Rangers de New York, et qui fait des émules jusqu'aux joueurs du Canadien.

Pas alerte, allure décontractée. En ce lundi après-midi du mois de janvier, P.K. Subban franchit tout sourire la porte de son tailleur, à Montréal. Il porte un gilet, une casquette et un jean. Mais que l'on ne s'y trompe pas: ce sont deux nouveaux costumes (dont un costume trois-pièces) qu'il vient essayer chez Sartorialto, le tailleur montréalais qui l'habille depuis maintenant quatre ans.

«Le défi, en ce moment, c'est de trouver quelque chose de différent. On ne veut pas se limiter au noir et blanc, alors on essaie de nouveaux motifs, de nouvelles couleurs», explique-t-il. P.K. Subban ne recule pas devant ce qui fait peur à bon nombre d'hommes: boutons de manchettes, mouchoirs de poche, cravates qui détonnent ou encore braguettes fermées par des boutons extérieurs plutôt que par une fermeture éclair. «Tout est dans les détails», dit-il.

Le tailleur de ces hommes

Les détails sont justement ce à quoi Marc Patrick Chevalier, propriétaire de Sartorialto, prête toute son attention. Doublures en soie, coupes ajustées et autres initiales tissées dans les vestes ou sur les chemises...

Depuis quelques années, la boutique montréalaise s'est taillé un nom - et une bonne réputation - parmi les joueurs de la LNH, de Vancouver à Boston en passant par Ottawa. Son carnet de clients compte Karl Letang, James Neal et Marc-André Fleury, pour ne nommer que ceux-là: certains joueurs préfèrent la discrétion.

«À Sotchi, j'ai des clients dans toutes les équipes, sauf une», rit Marc Patrick Chevalier.

À Montréal, Saku Koivu, puis P.K. Subban ont contribué à le faire connaître. Obligés, par contrat, de porter un costume quand ils vont à un match ou se déplacent en avion, les joueurs de hockey sont de plus en plus friands de beaux tailleurs.

Un appétit titillé par le succès de l'esthétique Mad Men, au milieu des années 2000, et par l'apparition de classements, dans les magazines hauts de gamme comme Vanity Fair ou The Hollywood Reporter, des joueurs les mieux habillés de la ligue.

«Les joueurs ont de plus en plus d'intérêt pour leurs costumes. À force de voir de belles coupes, ils y prennent goût», constate la designer de Sartorialto, Daphnée Hanrahan.

Émules

Comme bon nombre de ses coéquipiers, Brandon Prust a suivi P.K. Subban chez son tailleur. «Il y a beaucoup de gars qui passent à la vitesse supérieure et portent de nouveaux tailleurs et des costumes voyants», constate Brandon Prust.

Et Prust de raconter, amusé, un compliment de Max Pacioretty sur son écharpe (griffée). «Je n'aurais jamais cru qu'il s'intéressait à la mode», dit-il.

L'ailier gauche affiche un style décontracté, mais néanmoins recherché. Il aime les jeans, mais s'est offert tout récemment une paire de bottes Balmain. Côté bijoux, il n'a pas de Rolex au poignet comme son coéquipier P.K., mais des pièces de créateurs magasinées dans le Vieux-Montréal ou à New York.

Devenir un adepte de la mode n'était pourtant pas une évidence pour Prust, qui confesse avoir connu une période Ed Hardy, au début de sa carrière. Son passage chez les Rangers de New York lui a ensuite permis de s'initier aux tendances. Mais c'est sa copine, Maripier Morin, qui l'a aidé à trouver son style. «Quand on s'est rencontrés, elle n'aimait pas mes chemises. Elle m'a ramené à quelque chose de plus simple», explique Brandon Prust, qui est devenu un visage du monde de la mode montréalais et qui a joué les mannequins à l'automne pour Elle Québec.

Consultez le site de Sartorialto: https://www.sartorialto.com/fr/index.htm

Le hockey à la mode

La frontière entre le monde du sport et celui de la mode est devenue plus poreuse. Il y a bien sûr les joueurs de tennis ou de golf associés à des marques de montre (Andre Agassi pour Longines, Tiger Woods pour Tag Heuer) ou les joueurs de soccer sacrifiant à une tradition tout européenne de poser en sous-vêtements (David Beckham, Cristiano Ronaldo).

Mais du côté du hockey, l'association de joueurs à de grandes marques reste récente (Wayne Gretzky et Steven Stamkos sont respectivement ambassadeurs de Breitling et de Tissot). Et Sean Avery s'est attiré bien des moqueries en 2008 quand il a annoncé qu'il ferait un stage chez Vogue entre deux saisons de hockey.

«Le hockey reste un jeu héroïque, estime Diane Pacom, professeure au département de sociologie et d'anthropologie de l'Université d'Ottawa. C'est un bastion très viril et le joueur de hockey doit garder ça.»

Mais même au hockey, le jeu change et les costumes hauts en couleur de P.K. Subban sont peut-être des signes annonciateurs d'un virage. «Il y a un décloisonnement entre les mondes du sport, des célébrités et de la finance, croit Mme Pacom. Le sportif est devenu une star, pas seulement comme sportif, mais comme symbole d'une nouvelle façon d'être homme.»