C'était son dernier jour vendredi. À 66 ans, Patrick Thomas a quitté les commandes de Hermès, après une décennie à la tête du fabricant des carrés de soie et un bilan étincelant.

Seul patron extérieur à la famille Hermès depuis la naissance du sellier en 1837, il aura conduit les affaires de cette «maison d'artisanat d'exception» (il la qualifie ainsi) depuis septembre 2004. D'abord en tandem avec l'emblématique Jean-Louis Dumas, qu'il cite toujours en exemple, puis seul à partir de 2006.

L'heure de la retraite a sonné. «Je pars serein et heureux de passer la main à Axel Dumas (neveu de Jean-Louis, membre de la 6e génération Hermès). C'est un homme de coeur et un esprit brillant, très acculturé à la maison», a déclaré à l'AFP Patrick Thomas, qui aura 67 ans en juin.

«Je vais avoir le temps d'étudier la philosophie, de profiter de la nature, de faire bien d'autres choses...», a ajouté M. Thomas, marié et dont les quatre enfants sont adultes.

Il gardera néanmoins la présidence de la marque Shang Xia lancée en 2010 par Hermès, son «bébé», non rentable à ce jour, mais dans lequel il croit dur comme fer. Il conserve aussi des mandats d'administrateurs chez Rémy Cointreau, Laurent-Perrier, Leica...

Quel bilan chez Hermès? Patrick Thomas refuse de le tirer lui-même.

Il n'empêche: «la maison» s'est hissée dans la cour des grands, réalisant en 2012 un chiffre d'affaires de 3,48 milliards d'euros, un bénéfice net de 740 millions d'euros et une marge opérationnelle record de 32,1%. Les résultats de 2013 sont attendus en mars.

Hermès compte aujourd'hui quelque 10 000 salariés, plus de 320 magasins en France et à l'international et affiche l'une des plus fortes rentabilités du luxe, avec Chanel et Louis Vuitton (LVMH).

Au-delà des effets de mode, ses classiques chic perdurent, toujours désirés. Des clientes patientent six mois en liste d'attente pour un sac Birkin ou Kelly.

Ces dernières années, Hermès a développé de nouvelles activités (décoration intérieure, Petit h...), a sécurisé certains approvisionnements en matières rares et s'est modernisé, chaque branche devenant une mini-filiale.

Lors de la dernière assemblée générale en juin 2013, M. Thomas avait été longuement applaudi par les actionnaires du groupe, dont le capital reste détenu à plus de 70% par la famille Hermès.

Axel Dumas avait alors endossé le costume du successeur et co-gérant.

Et, une fois n'est pas coutume, M. Thomas avait détaillé les multiples succès enregistrés par Hermès en 20 ans de cotation boursière, depuis juin 1993: chiffre d'affaires multiplié par 8, résultat net par 23, résultat opérationnel par 18, marge opérationnelle doublée...

Patrick Thomas aura vécu l'introduction en Bourse de la marque à la calèche en tant que directeur général (de 1989 à 1997) -- avant de s'en aller présider Lancaster puis William Grant & Sons, puis de revenir en 2004 chez Hermès.

L'entrée en Bourse a été «une erreur», avait-il dit l'an dernier, car elle a permis l'arrivée surprise de LVMH au capital fin 2010. Depuis, Hermès mène un combat acharné contre le numéro un mondial du luxe, déclaré indésirable et poursuivi en justice sur plusieurs fronts.

LVMH, propriétaire de Vuitton, Bulgari ou Guerlain, détient plus de 23% de Hermès, une participation valorisée 5,6 milliards d'euros.

L'Autorité des marchés financiers (AMF) avait sanctionné d'une amende record de 8 millions d'euros en juin dernier le groupe dirigé par Bernard Arnault, pour être monté masqué au capital de son concurrent.

La bataille Hermès-LVMH se poursuit devant les tribunaux parisiens.

Lors de la conférence annuelle des résultats de LVMH jeudi soir, M. Arnault a affirmé être «un actionnaire content» qui «soutient» le management de Hermès.

«Je regrette simplement que la réciproque ne soit pas tout à fait vraie», a-t-il ajouté. «Mais j'ai bon espoir que cela finisse par s'arranger un jour - dans les vingt ans qui viennent, on ne sait jamais...»