C'est vendredi dernier que s'est conclue la 25e Semaine de mode de Montréal. Retour sur les origines d'une manifestation de mode montréalaise qui a connu ses hauts et des bas, mais qui ne semble pas avoir dit son dernier mot.

Pour Lynda Brault, la fondatrice de la Semaine de mode de Montréal (SMM) qui travaille aujourd'hui dans le domaine des communications, tout a commencé à la fin des années 90. C'est à cette époque que le gouvernement québécois crée des grappes industrielles, dont une pour représenter l'industrie de la mode et du vêtement. «Le problème, c'est qu'à la même table étaient assis des gens aux intérêts divergents: des entrepreneurs en couture, des designers, des manufacturiers, le Conseil canadien de la fourrure... Personne ne s'entendait, ce qui fait que la grappe n'a pas vraiment survécu.»

C'est ensuite que la Ville de Montréal crée un groupe de travail sur la mode et l'habillement, qui mandate Mme Brault pour monter un plan d'action afin de promouvoir l'industrie québécoise de la mode. Nous sommes en 1998.

Elle commence par tenter d'attirer l'attention des médias et acheteurs internationaux sur la mode d'ici (en envoyant des communiqués par... fax!), à une période où le secteur de la mode était le plus gros employeur manufacturier à Montréal. «On avait une grande expertise en lingerie, mode enfantine et en vêtements pour hommes. Il fut une époque où un habit pour hommes sur cinq dans le moyen et haut de gamme était fabriqué ici, à Montréal! J'utilisais ces arguments et ces chiffres pour tenter d'attirer l'attention.»

Rallier les designers montréalais

Après deux ans d'effort, elle commence à recevoir de plus en plus de signes d'intérêt de l'étranger. Le problème: la difficulté de faire venir des acheteurs et médias internationaux en l'absence de moment fort, rassembleur, comme... une semaine de la mode, à l'image de celle de Toronto ou de New York. C'est à ce moment que Mme Brault tente de rallier les designers montréalais autour de cette idée.

C'est le 4 septembre 2001 que s'ouvre la première semaine de mode à Montréal. À l'horaire, des designers comme Luc Laroche, Yso, Marisa Minicucci, Kamkyl, et Christian Chenail. Un lieu stratégique est choisi- l'ancien club Aria sur Saint-Denis - mais plusieurs designers insistent pour faire leur défilé à l'endroit de leur choix. «Ce que j'ai négocié avec eux, c'est que je pouvais promouvoir le calendrier et faire venir des acheteurs et des médias à leurs défilés. J'avais même organisé un système d'autobus pour déplacer les journalistes et acheteurs d'un endroit à l'autre!», se remémore-t-elle.

Christian Chenail est un habitué de la SMM: il était présent à la première présentation, a participé à presque toutes les suivantes (sauf les deux dernières, où il a défilé à Toronto) et a défilé encore cette année avec sa ligne MUSE, lancée en 1989. Il se souvient des débuts: «C'était très embryonnaire, mais il y avait cette volonté commune des designers de se mettre ensemble pour mieux rejoindre les médias. Malgré quelques éditions moins fortes, je crois toujours que l'événement est pertinent, même si certains designers le boudent. Car si la SSM n'existe plus, on va aller défiler ailleurs, ce qui sera une perte pour Montréal.»

Porté à bout de bras

En décembre 2002, après trois SMM organisées avec peu de moyens, aucune subvention et des bénévoles, Mme Brault quitte le navire, alors que le gouvernement refuse toujours d'appuyer financièrement l'événement. «On me demandait combien de retombées économiques directes générait l'événement. Zéro: il n'y avait pas de marchandise vendue! Mais ce que j'essayais de leur faire comprendre, c'est la différence entre la mode et le secteur manufacturier. Les designers sont des artistes et j'ai toujours cru que leurs présentations devraient relever du culturel plutôt que de l'industrie et du commerce.» 

Quel regard porte-t-elle sur l'événement, 25 présentations plus tard? «Au départ, la SMM était bien différente de celle d'aujourd'hui. Le public n'y avait pas accès et c'était un événement professionnel, réservé à l'industrie, aux médias et aux invités des designers. Aujourd'hui, l'industrie de la mode a beaucoup changé avec la venue des blogueurs et des médias sociaux - avant, il y avait très peu de journalistes dans le domaine, maintenant, ils en accréditent des centaines! Je ne sais pas si c'est une bonne chose, mais sa démocratisation a sûrement assuré la survie de l'événement.»

La SMM saura-t-elle se réinventer en fusionnant avec le Festival de mode et design? Rendez-vous lors de la 26e présentation l'année prochaine pour le découvrir.

Photo André Pichette, archives La Presse

Défilé de Soïa et Kyo en 2009