Véronique Delisle passe ses journées entourée de chaussures haut de gamme, de fringues de designers et d'accessoires parmi les plus tendance. Une vie à faire pâlir d'envie toute fashionista... Pourtant, avec ses 15 ans de métier, cette amoureuse du vêtement fait office de survivante. Peu arrivent en effet à survivre aux exigences du métier. Coup d'oeil sur les coulisses du glam.

Pour avoir un aperçu de son travail, il suffit de tourner les pages d'un Elle Québec, magazine auquel Véronique collabore régulièrement depuis des années. Sur le papier glacé, le lecteur est plongé dans un univers de paillettes, happé par la beauté, la jeunesse, le rêve... Pour créer cette fantaisie, il aura fallu des jours de travail, dans des conditions qui n'ont souvent rien de glamour. «Il m'est arrivé d'être malade lors d'une séance photo de sept jours à l'étranger. Je vomissais dans les plates-bandes entre deux prises! Toute l'équipe y est passée, mais on y a vu que du feu», raconte-t-elle en rigolant. «Caller malade dans notre métier, ça n'existe pas!»

Dans la salle de stylisme du magazine, Véronique s'affaire en vue d'une séance photo qui aura lieu le lendemain. À l'effet de fouillis se mêle une impression d'abondance: tout autour, les échantillons de vêtements et d'accessoires s'amoncellent dans des boîtes ou sur des supports. C'est ici qu'ils sont mis en ballotage. Tandis que certains feront leur chemin jusqu'aux pages du magazine, d'autres seront éliminés avant même la première ronde.

Dans cet antre du style, elle va et vient, entre deux rendez-vous chez des fournisseurs et designers, des réunions avec le directeur artistique et les assistants-stylistes et des arrêts devant son ordinateur pour récolter les informations et assurer le suivi de la marchandise.

Avoir des antennes

À l'orée de chaque saison, Véronique consacre beaucoup de temps à regarder les collections pour s'imprégner des tendances et des nouvelles matières. Une fois mandatée sur un dossier, elle établit une liste de marques pertinentes en fonction de la thématique commandée. «Mon réseau de contacts s'enrichit au fil des saisons. Je dois me tenir au courant des nouvelles marques et des nouveaux designers et voir toutes les collections. C'est nécessaire pour savoir vers quoi me diriger.»

Il faut aussi réserver les échantillons et aller les chercher, les déballer de façon méthodique, puis trouver des façons intéressantes de les agencer en fonction des tendances. Par la suite, les vêtements seront placés sur mannequin ou sur toile de fond: armée d'un attirail d'accessoires (gommettes, pinces, épingles, collant double face, etc.), la styliste aura pour mission de les présenter en photo sous leur meilleur jour.

Derrière l'image

La passion du vêtement, Véronique l'a depuis longtemps. À 16 ans, elle partait déjà en escapade dans les friperies pour dénicher les vêtements bon marché qui lui feraient un look unique. Après avoir décroché un diplôme d'études collégiales en sciences de la santé - «plus pour faire plaisir à mes parents», précise-t-elle -, Véronique s'inscrit au cégep Marie-Victorin en mode. Son diplôme en main, elle assiste des créateurs de costumes de théâtre et de cinéma, dont certains travaillent aussi en mode, et fait ainsi ses débuts comme styliste. De fil en aiguille, elle commence à voler de ses propres ailes.

Du nombre d'assistants qu'elle a encadrés et de stylistes qu'elle a côtoyés durant ses 15 ans de carrière, peu sont restés dans le milieu, découragés par l'ampleur de la tâche et la difficulté d'y faire sa place. «Au début, le métier n'est pas très payant et la compétition est forte. Avant d'obtenir des contrats, il faut souvent assister une styliste pendant des années», explique-t-elle. La plupart des stylistes qui débutent ne feront qu'une brève incursion dans le milieu pour se rendre compte que la réalité est bien différente de l'image qu'ils en avaient.

Qualité essentielle pour réussir dans le métier: l'organisation. «On nous prête du matériel qui a une grande valeur. Se souvenir du moment où on doit aller chercher ou retourner un produit, de ce qui va où et à quel endroit, c'est énormément d'organisation et c'est ce qui manque souvent à beaucoup d'assistants», déplore-t-elle. «Il faut aussi savoir travailler en équipe et aimer les gens parce qu'on est appelé à rencontrer constamment de nouvelles personnes avec qui on doit bâtir une relation rapidement.»

Ce métier, essentiellement composé de pigistes, requiert, en outre, un certain sens des affaires. Il faut se renouveler, entretenir son cercle de connaissances, se faire de nouveaux contacts et apprendre à se vendre pour obtenir des contrats.  «Le milieu de la mode  n'est pas fidèle. Les directeurs artistiques changent et les équipes aussi par le fait même. C'est un métier où les gens vont et viennent.» Véronique, elle, s'accroche.

Le plaisir de créer

Se voit-elle encore longtemps exercer ce métier? «J'ai 43 ans. Il va falloir que je me mette à y réfléchir! Honnêtement, je ne vois pas beaucoup de gens qui vieillissent dans ce milieu. C'est dommage, car il y a une expérience qui se perd.»

Mais elle confirme avoir encore la fougue. «Il le faut, pour durer. Au fil des ans, je me fais plus confiance, et quand le résultat me plaît, je suis tout aussi contente qu'avant.» Elle trouve sa satisfaction dans le processus et la collaboration, davantage que dans la mode elle-même. «C'est un boulot qui encourage la consommation, c'est certain, mais je ne suis pas, personnellement, une grande consommatrice. Ce que j'aime, c'est de créer. Je vois mon travail comme un mode d'expression et j'espère encourager les gens à créer un style qui leur est propre». Sa créativité et sa persévérance auront sûrement fait des petits.