Son book dans le sac à dos, Tamy Glauser a repris le chemin des castings, comme des centaines d'autres mannequins à l'approche des défilés de mode qui débuteront fin juin à Paris, mais elle détonne dans le milieu: avec sa beauté androgyne, elle travaille aussi bien chez les hommes que les femmes.

Crâne rasé, visage fermé, débardeur et jean noirs, elle marche, raide et épaules basses. Lors du casting pour le défilé homme de Yohji Yamamoto, son allure est masculine. Joueuse, elle montre ensuite sa démarche quand elle défile pour les femmes: elle met son bassin en avant, ralentit l'allure, déroule ses longues jambes fines, modifie son port de tête, devient charmeuse.

«Elle a un look qui s'adapte aussi bien à l'homme qu'à la femme», souligne Steeven Kanoo, son agent chez Ford, l'une des plus célèbres agences de mannequins. «La principale raison pour laquelle nous l'avons prise, c'est que c'est une belle femme. J'ai surtout vu d'abord son élégance», explique-t-il. Et «elle a quelque chose en plus», et «tout ce qui sort des sentiers battus, ça plaît. La mode recherche la beauté, mais aussi la personnalité».

Au quotidien, le style de Tamy Glauser, originaire de Suisse, est assez garçon manqué: basket aux pieds, jamais de maquillage ou de talons. «Je n'ai pas tellement d'habits: trois pantalons, quatre chandails, et les habits que je porte sont plus masculins». Mais sa gestuelle est féminine; elle parle tout bas, avec une voix douce.

Entre-deux

Elle a démarré le mannequinat en septembre, à 28 ans, un âge très avancé pour ce milieu. «Finalement, mon âge plaît et je suis traitée avec plus de respect que des filles de 16 ans», constate-t-elle.

Avant le mannequinat, elle a fait des études (du droit et de la communication) qu'elle a abandonnées, elle a voyagé, vécu à New York, travaillé. Puis elle s'est lancée l'année dernière, en suivant les conseils d'un ami à Berlin. «Il y a pile un an, j'étais en plein examens!», s'étonne-t-elle.

Sa mère a beau avoir été mannequin, Tamy Glauser affirme qu'elle ne connaissait rien à la mode jusqu'à il y a quelques mois. «Mais j'ai lu, je m'y suis mise». Sa carrière a démarré assez rapidement avec des séances photo pour des magazines de mode et des défilés dès octobre. «Le moment le plus dingue, ça a été le défilé de Jean Paul Gaultier: j'étais avec les plus grands top models, il y avait du champagne en coulisse».

En janvier, elle était sur les podiums de Givenchy, entourée d'hommes. «Au début, ils ne savaient pas comment m'aborder, mais finalement, nous avons passé un bon moment».

«Je suis très heureuse de pouvoir faire les deux», dit-elle. «J'aime travailler chez les hommes, je sens que c'est plus proche de ce que je suis. Et pour les femmes, on me met des habits que je ne porterai jamais; j'adore ça».

Tamy Glauser n'est pas la seule femme à travailler pour des marques masculines. Il y a également Casey Legler et Saskia de Brauw.

Pour expliquer ce phénomène, Steeven Kanoo évoque Hedi Slimane. Lorsque le créateur était chez Dior homme, «il a imposé un style de garçons très féminins, avec des mensurations qui se rapprochaient de celles de la femme».

Tamy Glauser est bien dans cet entre-deux. Mais elle est un peu petite pour les hommes (1,80 m) et sa carrure est un peu large par rapport à ses consoeurs. «Certains couturiers me voient dans une robe, mais ils ne peuvent pas fermer le dos».

Et si ça ne devait plus marcher pour Tamy Glauser dans la mode, où «les gens se lassent vite», selon Steeven Kanoo? «Elle chante vraiment bien», suggère-il.