En vacances à Pékin, fringuée de la tête au pied de vêtements apportés dans vos valises, vous croisez quelqu'un vêtu exactement comme vous. De la tête aux pieds. Non, vous ne rêvez pas...

Révolue, l'époque où il valait la peine de garder une partie de ses voyages à l'étranger pour le «magasinage local» ?

Il n'y a pas si longtemps, c'était exotique de rentrer à la maison avec du prêt-à-porter abordable et unique sans s'être ruiné dans les boutiques de designers. On courait chez Topshop à Londres, Anthropologie à New York ou Sandro à Paris.

Avec l'arrivée des Anthropologie, Forever 21, Sephora et autres H&M, Montréal n'a presque plus rien à envier côté magasinage aux autres capitales du monde. Même les boutiques indépendantes ou les détaillants canadiens - Simons et La Baie - tiennent maintenant des marques telles BB Dakota, MinkPink, Topshop ou Sandro.

«Du prêt-à-porter original, il en existe, mais c'est de plus en plus rare», lance Jacques Nantel, professeur de marketing à HEC Montréal spécialisé en consommation et commerce au détail.

La plupart des grandes chaînes étant présentes dans tous les centres-villes du monde, on peut croiser à Tokyo quelqu'un qui est habillé exactement comme nous! Finie, l'idée voulant que «la mode parisienne est deux ans en avance».

«Les parts de marché des gros joueurs sont en croissance. Et on retrouve maintenant les mêmes détaillants partout, précise Jacques Nantel. C'est la globalisation et on le voit beaucoup avec le commerce au détail.»

Le web a également contribué à faire tomber des frontières. Les amatrices de mode du monde consultent les mêmes blogues. Les mêmes boutiques en ligne. «Le commerce électronique suit une tendance de standardisation, souligne Jacques Nantel. La planète est rendue un village.»

La domination d'une chaîne comme H&M lui permet de produire et de vendre un gros volume de jupes à 5 $ et de jeans à 15 $, ce qui fait déborder la garde-robe des magasineuses compulsives.

Dans son livre, Overdres-sed: The Shockingly Cost of Cheap Fashion, la fashionista repentie Elizabeth Cline compare la soif des consommatrices pour les vêtements branchés à bas prix (qu'elle surnomme fast-fashion) au junk food. Elle-même en a été victime, décidant d'écrire son livre après avoir compté sept paires de souliers quasi identiques dans sa penderie.

Si certaines personnes abusent indéniablement du «fast-fashion», c'est plutôt une bonne chose de voir la mode se démocratiser aux quatre coins de la planète et devenir accessible à toutes les classes sociales. «La classe supérieure est de plus en plus petite, explique Jacques Nantel. Au moment où vous avez un clivage dans la distribution des revenus, vous avez de moins en moins de personnes qui peuvent acheter des créations originales et exclusives.»

Et on ne le répétera jamais assez: mieux vaut acheter une paire de bottes à 150 $ dont on raffole plutôt que d'acheter trois paires qu'on aime bien à 50 $ parce qu'elles ne sont pas chères...

Ne boudons pas les H&M et Zara pour autant. Il suffit de modérer sa consommation et de cultiver son propre style.

Plusieurs femmes sont adeptes du «mix and match»: elles peuvent très bien porter un cardigan noir Gap passe-partout par-dessus une robe d'une designer montréalaise comme Eve Gravel ou Valérie Dumaine.

C'est une façon de ne pas se ruiner, sans croiser son sosie vestimentaire dans le métro de Montréal ou de New York.