Mini-shorts et bermudas envahissent les défilés parisiens annonciateurs de la mode masculine de l'été prochain. Mais parce qu'ils «ne sont pas pour tout le monde», ils seront moins nombreux en boutique, au profit le plus souvent de simples pantalons, expliquent des spécialistes de la mode.

Le bermuda, plus long et large qu'avant, à l'américaine, a le vent en poupe. Mais le short «de ville» reste plutôt confidentiel, se développant dans un registre branché. Pour la plupart des hommes, ces pièces restent réservées à la sphère du sport ou des vacances.

Déjà partout à Milan, elles s'imposent pourtant encore à Paris, surtout chez les créateurs les moins conventionnels. «C'est une tendance indéniable», souligne Jean-Jacques Picart, consultant de l'univers du luxe.

«Soit on le porte dans la version "je montre mes jambes mais je reste élégant"», comme un étudiant anglais qui porterait un costume-bermuda, une chemise blanche et de jolies chaussures de ville. «Mais dépassé trente ans, ça fait étrange», souligne l'expert facétieux.

L'autre version consiste à privilégier «le confort et le tonus, en mettant son corps en valeur». Cela devient «acceptable en ville si on rééquilibre le short avec une pièce élégante» : un bermuda peut alors se porter avec des tennis impeccables et «un joli pull, d'une jolie couleur» par exemple.

Interrogé en marge du défilé de la marque japonaise «Issey Miyake Men» jeudi, le graphiste Jean-Paul Goude s'est réjoui de la présence en force de bermudas aux coloris sombres et autres pantacourts : «Cela fait 35 ans que je ne porte que ça. C'est une formidable confirmation qui mon intuition était bonne !» plaisante-t-il auprès de l'AFP.

«quilles maigrelettes et poil noir»

Mais, comme le soulignait vendredi un fashionista attendant le défilé de l'Américain Rick Owens, qui a créé des bermudas fluides noirs originaux avec des pans de jupe devant et derrière, le short «ça ne va pas à tout le monde» : «Quand tu as des quilles maigrelettes et du poil noir sur une peau diaphane, c'est pas terrible», déplore cet observateur, préférant conserver l'anonymat.

Les spectateurs de mode arrivent aisément au même constat en observant certains mannequins, pourtant généralement mieux proportionnés que les hommes «de la rue».

Aux défilés Mugler ou Raf Simons, le tailleur short prédomine. Mini-short blanc moulant les fesses avec des poches dépassant devant chez le premier, mini-short noir fendu au moins sur une cuisse évoquant un pendant masculin à la classique jupe droite fendue chez l'avant-gardiste belge.

Dans les deux cas, «les vestes portées au-dessus sont impeccablement coupées, à la manière tailleur», remarque M. Picart, qui garantit que leur version commerciale, en boutique, ne sera «pas une association avec un short mais avec un pantalon». Simplement, «en podium, ça fait une belle photo».

Bien sûr, il y aura toujours une poignée de «fashion victims» pour acheter ces shorts de créateurs, assure François Gaillard, rédacteur spécialisé au magazine Fashion Dailynews. D'ailleurs, «on les verra portés ici, aux défilés de l'année prochaine !» s'amuse une habituée.

D'autres créateurs, comme le Belge Dries Van Noten, plus «réalistes», font d'emblée défiler moins de shorts.

Mais au fond, «on oublie trop souvent le décalage obligatoire qu'il y a entre le défilé, réservé à un public d'initiés, de professionnels qui décodent», et la réalité, explique Jean-Jacques Picart.

Sur un podium, une marque s'adresse à «des acheteurs et des journalistes blasés dont il faut exciter la curiosité, d'où certains excès qui ne sont que du sel et du poivre pour rendre les choses plus savoureuses pour les gens du métier», fait-il valoir.