Guillaume Henry, le créateur français de 33 ans qui a remis la marque Carven sur la mappemonde mode, travaille avec un atelier de couturières, privilège rare dans l'univers du prêt-à-porter, en veillant à maintenir des prix abordables pour pouvoir habiller aussi les «copines».

Loin de toute «mode conceptuelle ou «mode d'emploi»», le créateur présente à chaque collection une garde-robe complète. Avec beaucoup de robes quand même, pièce fétiche parce que c'est la seule «que l'homme n'a pas et qu'elle permet, d'un seul geste, d'être habillée d'un coup», s'émerveille-t-il lors d'un récent entretien à l'AFP.

Le beau jeune homme qui est venu saluer en T-shirt blanc brodé à ses initiales, a présenté jeudi une collection fraîche et colorée, aux coupes précises, dans un couvent désaffecté au coeur de Paris.

Ses robes sont courtes, aux jupes volumineuses cette saison sous une taille cintrée, mais sagement fermées sous le cou. Une fente laisse furtivement entrevoir la peau, sur plusieurs modèles, entre les seins. Plusieurs d'entre elles, en cuir velours, sont ajourées à la manière d'une rosace de cathédrale, tout comme d'autres modèles en dentelles.

Une touche de fourrure avec des cols en raton laveur coloré et même ce manteau caramel. Mais attention, c'est du «lapin lustré», précise l'équipe en coulisse. Un imprimé «seventies» orangé sur un jacquard et de la soie reproduit un motif inspiré de l'effrayant «Jardin des délices» du peintre apocalyptique Jérôme Bosch, les détails «les plus gore» en moins.

«De l'abordable au coup de coeur»

Quand Guillaume Henry a été embauché par la maison, en 2009, l'activité «haute couture» était vieillissante. Il a créé un prêt-à-porter, mais a gardé l'atelier.

«Pour sortir une collection en deux mois, entre l'idée et la présentation à la presse, mieux vaut avoir une armée», dit-il devant les polaroïds des silhouettes de sa collection.

«Avec un atelier extérieur, on perd beaucoup de temps», explique-t-il, se disant incapable de travailler «sur Skype» avec des fournisseurs pour créer des vêtements en 3D. «Un tissu, c'est vivant, il faut voir comment il bouge, comment il se drape».

Là, «chacun y va de son envie, on échange tout le temps. Parfois, le vêtement se fait en huit allers-retours. Parfois seulement deux, et alors c'est magique».

Mais le styliste reste vigilant sur les coûts, notamment des matières. Pour sa collection d'hiver, il a fait fabriquer des tissus à l'usine. «Je veux que ce soient nos couleurs, nos lignes, nos dessins», dit-il en montrant un velours.

«Là, ce n'est pas de la soie, mais un mélange coton et polyester par exemple. Le prix du tissu baisse, le vêtement reste abordable, il se vend mieux et le fabricant est content», dit-il, pédagogue.

Les vêtements Carven, en boutique, vont «de l'abordable au coup de coeur», affirme-t-il. «C'est pas du «pas cher» hein, parce qu'une robe à 300 euros, pour les filles que je connais, c'est déjà une somme. On peut aller jusqu'à 800 euros pour une robe qu'elles porteront pour une occasion très spéciale, mais pas au-delà», ajoute-t-il.

Pas de pièces à deux ou trois mille euros donc, comme on en trouve couramment dans le prêt-à-porter de luxe. Et pourtant, la marque est souvent comparée à ses rivales haut de gamme. Pour sa créativité.

Carven, qui n'avait aucun point de vente en 2009, en compte désormais plus de 400 dans le monde, notamment aux États-Unis, en Grande-Bretagne, Japon et Italie.