Entre leur dernière poupée Barbie et leur premier petit ami, les pré-adolescentes se transforment en cibles prometteuses pour les marques de lingerie qui rivalisent pour séduire ces consommatrices en herbe.

Créer des soutiens-gorges pour des jeunes filles à peine pubères n'en est pas moins un exercice délicat: une forme trop audacieuse ou un galbe trop prononcé et les marques risquent d'être accusées de vouloir transformer leur jeune cliente en Lolita sexy.

Au Salon international de la lingerie, qui se tient à Paris cette semaine, une douzaine de marques proposent des modèles destinés aux adolescentes et aux pré-adolescentes dès l'âge de 9 ans.

«Pour cette classe d'âge sans pouvoir d'achat, toute la complexité va être de séduire la mère de famille avec une lingerie rassurante, et pas de connotations trop sexy», explique Cécile Vivier, directrice du Salon International de la Lingerie.

La plupart des modèles proposés aux pré-adolescentes sont sages, avec des formes en triangles sans dentelle ou encore des soutiens-gorges «d'entraînement».

La marque Petit Bateau propose aux jeunes entre 12 et 16 ans des soutiens-gorge triangles, avec un peu de rembourrage, seulement légèrement doublés.

«On est sur du confort, de l'invisibilité. Il ne faut pas qu'on puisse voir le téton», explique Muriel Mertz, directrice des ventes en gros de la société. «On reste sur les valeurs de l'enfance», ajoute-t-elle. Skiny, une société autrichienne, propose des soutiens-gorge de forme simple, mais de couleur vive destinés à des fillettes à partir de dix ans.

«Nous faisons vraiment attention. Il n'y a pas de rembourrage», déclare Stefan Breitband, responsable des ventes de la marque à l'international. «On n'est pas du tout dans la lingerie sexy», dit-il. L'été dernier, la marque française Jours Après Lunes a déclenché une polémique avec sa ligne pour petites filles de 4 à 12 ans, vertement critiquée en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Ses hauts et ses bas, en noir et blanc ou rose, étaient plutôt innocents, mais la campagne publicitaire a choqué, car elle montrait des fillettes maquillées et apprêtées comme des femmes. Sophie Morin, créatrice de Jours Après Lunes, s'est déclarée «très étonnée de la virulence de la polémique». «Je propose une alternative entre les sous-vêtements basiques en coton et les marques de lingerie de prêt-à-porter dont les produits sont justement trop sexy pour des enfants», a-t-elle dit à ParisMatch.com.

Face à ce débat, la Fédération britannique de la distribution a publié l'an dernier des recommandations aux fabricants de lingerie leur demandant d'éviter les dentelles et les soutiens-gorge pigeonnants pour les pré-adolescentes. «Les premiers soutiens-gorge doivent apporter confort, discrétion et soutien, mais ils ne doivent pas gonfler» la poitrine, précise ce texte.

L'essor de la lingerie pour très jeunes filles est concomitant avec l'avancement de l'âge de la puberté constaté sur un nombre croissant de petites filles.

Selon une étude américaine, publiée par la revue Pediatrics in 2010, 15% des fillettes américaines ont des seins dès l'âge de 7 ans. Le phénomène est observé également en Europe et en Australie, même si les raisons de cette précocité ne sont pas totalement établies (habitudes alimentaires, pollution, etc.).

Antigel, la marque destinée aux adolescentes de Lise Charmel, a vu bondir ses ventes de soutiens-gorges avec des bonnets vraiment profonds.

«Les jeunes filles quand elles ont de gros seins, sont obligées d'aller dans des boutiques de lingerie pour dame, pleines de dentelles et de guipure. Pour cette cible, qui ne cherche pas à montrer son corps, il faut du coloré, des lignes graphiques», déclare Sophie Grimaud, directrice de la communication Lise Charmel.