Les projecteurs vont s'allumer mercredi sur les podiums milanais, mais la mode italienne s'inquiète de l'impact de la crise de la zone euro après avoir bénéficié ces derniers mois d'une reprise grâce aux nouveaux marchés et aux bonnes performances des griffes.

«Ce premier semestre a été fantastique pour nos marques avec des ventes qui ont explosé de 30 à 40% à l'étranger, en particulier en Asie, au Kazakhstan et en Russie», explique Gaetano Marzotto, dirigeant du groupe textile Marzotto et président de Pitti Immagine, qui organise le salon masculin Pitti Uomo.

Entre janvier et mai, les exportations de la mode féminine italienne ont au total bondi de 17,4% sur un an.

La France reste le premier client du Made in Italy, suivie de l'Allemagne et la Russie, avec des ventes en progrès de 22% en moyenne sur ces trois marchés durant les cinq premiers mois de 2011, selon la Fédération italienne des industries de la mode et du textile.

«En Italie, où la consommation a baissé, les ventes ont été soutenues par les touristes. Dans le quadrilatère de Milan, qui concentre les griffes les plus prestigieuses, 60% des achats sont effectués par les étrangers», souligne M. Marzotto, organisateur aussi d'un salon féminin pendant la Semaine de mode de Milan.

Ce dernier reconnaît néanmoins un ralentissement des ventes ces deux derniers mois «à cause des incertitudes liées à la dette souveraine en Europe et au peu de clarté de la part du gouvernement (italien), qui mine la confiance des consommateurs».

Pour M. Marzotto, le Made in Italy a d'autres handicaps: «nous avons des produits de bonne qualité, mais nous sommes trop chers, il faut être plus compétitifs pour séduire davantage les nouveaux touristes asiatiques, qui s'arrêtent un jour pour visiter Rome et Florence, avant de filer faire leurs emplettes dans un «outlet» allemand».

La période dorée des années 1980 et 1990, où le prêt-à-porter italien avait explosé, entraînée par les grands noms, de Giorgio Armani à Versace en passant par Dolce&Gabbana, est révolue.

«Ces années-là, oublions-les ! On ne peut plus penser que le développement de la mode se fasse en Italie. Au niveau des ventes, nous ne sommes plus les numéros 1, notre marché a atteint un plafond», note Giuseppe Angiolini, président de l'association des acheteurs italiens.

Selon lui, le début de l'année a été «très bon» en Italie, mais ensuite «la situation s'est gâtée à cause de la confusion et de la peur générées par la crise financière».

«Les détaillants ont été pénalisés de surcroît par une mesure prise cet été par le gouvernement pour lutter contre l'évasion fiscale, consistant à signaler au fisc les dépenses des clients dépassant les 2500 euros», a-t-il souligné.

«Il est arrivé que certains s'en aillent en me laissant la marchandise à la caisse, au moment où je leur demandais leurs papiers d'identité», a raconté M. Angiolini.

Le plan d'austérité que vient d'adopter le gouvernement Berlusconi et qui prévoit notamment une hausse de la TVA à 21% a peu de chances de relancer la consommation, selon de nombreux opérateurs du secteur.

«Tous les éléments de préoccupation sont réunis», constate le président de la Chambre de la mode Mario Boselli. Selon lui, «le mois d'août qui vient de s'achever est aussi terrible que celui qui précéda le terrible septembre 2008».

«L'inversion de tendance qui s'est produite l'an dernier nous avait fait tabler sur une croissance de 8% pour 2011. Nous avons dû diviser nos attentes par deux, n'escomptant plus qu'une hausse de 4% », prévient-il.

Gucci mercredi, Prada le lendemain, Versace, Dolce&Gabbana, Armani, Ferrè les jours suivants, toutes les griffes seront présentes au rendez-vous pour une semaine qui s'annonce festive avec 74 défilés au programme.

Même si certains noms ont disparu du calendrier, comme Brioni, qui a annoncé en août l'arrêt de sa ligne féminine.