S'habiller sur le Net est désormais chose aisée grâce aux nombreuses boutiques en ligne qui éclosent presque quotidiennement. À l'exemple des États-Unis et de la France, le Québec n'échappe pas à la déferlante du «web-business». Regards croisés de deux hommes d'affaires québécois, Peter Simons et Rami Atallah, pour lesquels ce processus de vente électronique s'est imposé.

«En août 2006, lorsque nous avons lancé Ssense, notre boutique en ligne de vêtements de luxe pour femme et homme, nous étions les premiers et les seuls sur le marché canadien, fait remarquer Rami Atallah, propriétaire et fondateur du concept Ssense. Même des marques comme Aldo ou La Senza n'avaient pas encore songé à se lancer dans l'aventure.»

À force de voir proliférer les boutiques virtuelles de l'autre côté de l'Atlantique, Rami Atallah se répétait: «Il y a quelque chose à faire!» C'est ainsi qu'il s'est posé en précurseur avec Ssense, transformant sa microsociété familiale en leader dans son domaine au Canada.

Constituée d'acheteurs qui voyagent dans le monde entier, d'un service de créatifs, de retoucheurs, de photographes, de stylistes, de programmeurs, l'entreprise a mis en ligne plus de 200 marques différentes, et introduit de nouveaux modèles quatre fois par semaine. Une mécanique parfaitement huilée et maîtrisée par son concepteur.

Pour sa part, Peter Simons, président-directeur général de La Maison Simons, a mis plus de temps à infléchir sa stratégie. C'est en mai 2010 qu'il s'est décidé à lancer son propre site de vente en ligne, «le 15 mai, précisément». «J'ai longtemps résisté, mais je dois avouer aujourd'hui que cette plateforme informatique nous permet non seulement de vendre de plus en plus d'articles, mais aussi de mieux servir nos magasins. Il s'agit certainement de la partie la moins connue de notre activité, mais c'est celle qui est en pleine croissance», précise-t-il.

L'institution québécoise en est déjà à la troisième version de sa boutique en ligne en moins d'un an. C'est donc dire que Peter Simons met les bouchées doubles pour rattraper son retard à l'allumage, au point de fonder aujourd'hui de très grands espoirs sur sa boutique en ligne.

Mais qui achète sur le Net? Rami Atallah (Ssense) a fait le calcul: «Environ 40% de Canadiens, 40% d'Américains et, pour les 20% restants, ils sont originaires d'Asie et d'Océanie. Pour la grande majorité, ce sont des hommes d'affaires et des artistes de 25 à 45 ans, branchés, dotés de moyens financiers conséquents. C'est tout à fait propre à notre type de site.»

Pour Peter Simons, «la clientèle en ligne est majoritairement québécoise, plutôt jeune et issue des régions» où il n'y a pas de succursale. «Sans oublier évidemment le reste du Canada.»

Après le qui, le quoi. Quels produits ont la faveur des acheteurs en ligne? «Ce sont les modèles vendus en exclusivité chez nous qui attirent le plus grand nombre d'acheteurs, constate Rami Atallah. On va chercher en priorité sur le Net ce qu'il est impossible de trouver en boutique. Et, aussi étonnant que cela puisse paraître, les accessoires et chaussures sont les articles les plus convoités. Qui a dit qu'il fallait forcément les essayer pour trouver chaussure à son pied?»

La perte du contact «physique» avec le produit et le vendeur ne semble pas être un handicap. «La force de la vente en ligne est même le service à la clientèle», croit Rami Atallah. «Le modèle ne vous sied pas? Vous le retournez, c'est aussi simple... Sur l'internet, on ne pose pas de questions, on remplace le produit!»

Fini le temps des précurseurs, on est désormais à l'âge de raison: les détaillants n'ont presque plus le choix aujourd'hui, ils doivent miser sur leur site de vente en ligne pour rester concurrentiels. La mode de plus en plus Net? L'actualité le démontre chaque semaine. Même le célèbre Amazon, plus connu pour ses livres, vient de lancer MyHabit, site spécialisé dans la vente d'articles de mode à prix réduit. Il est désormais communément possible de visualiser les modèles à 360 degrés, voire d'entrer ses propres mensurations pour se projeter visuellement dans le vêtement. On n'attend plus que l'apparition du «toucher» par écran interposé pour se croire dans une vraie boutique...