Après les expositions Griffé Québec (en 2009, au Musée du costume et du textile du Québec) et Montréal et la mode: tant d'années ont défilé (toujours en cours à la Place Ville-Marie), puis au lendemain du 10e anniversaire du Festival Mode et design, voici que le Musée du costume et du textile propose Le Musée sort ses griffes, au Centre Eaton. Décidément, les créateurs québécois sont à l'honneur, au musée du moins.

«On a des créateurs québécois extraordinaires. Mais il reste encore beaucoup de travail à faire pour que les gens se les approprient, déclare Suzanne Chabot, directrice du Musée du costume et du textile du Québec. Dans plusieurs pays d'Europe, poursuit-elle, les grands couturiers font partie du bien collectif. Les hommes et les femmes politiques, par exemple, se font un devoir de porter des tenues de leurs designers nationaux lorsqu'ils sont en représentation. Certes, l'industrie québécoise est jeune, mais il y aurait quand même un effort à faire dans la promotion des créateurs locaux.»

Le fait que l'exposition soit présentée à Montréal, dans un centre commercial qui plus est, plutôt qu'au moins accessible musée de Saint-Lambert, participe justement de cette volonté de présenter les designers québécois au grand public.

Mme Chabot rêve d'un Musée québécois de la mode et du costume en plein coeur de la métropole et affirme qu'il y aurait une volonté politique d'appuyer ce projet. «On commence à sentir l'urgence de monter une collection nationale. Il y a trop de créateurs dont nous n'avons plus de traces ou presque.»

Esther Trépanier, directrice générale du Musée national des beaux-arts du Québec et ancienne directrice de l'École supérieure de mode de Montréal, abonde dans le même sens. «Plusieurs jeunes perçoivent Philippe Dubuc, Marie Saint Pierre et Christian Chenail comme les premiers designers québécois. Visiblement, l'histoire de la mode québécoise est encore méconnue!»

Moins dense et didactique que la très éducative exposition de la Place Ville-Marie, celle du Centre Eaton propose en toute simplicité une trentaine de tenues créées pour la plupart entre 1960 et aujourd'hui. On peut y voir, sur deux étages, le travail des anciens que sont Raoul-Jean Fouré, Michel Robichaud, Clairette Trudel, Jacques de Montjoye et quelques autres, ainsi que les plus récentes créations de Marie Saint Pierre, Philippe Dubuc, Andy Thê Anh, Yves Jean Lacasse, Christian Chenail, Helmer et Michel Desjardins. Coup de coeur garanti pour les superbes robes de soirée de Raoul-Jean Fouré, Christian Chenail et Andy Thê Ahn.

Dans les cas où c'était possible, on a accompagné l'«artéfact» d'une courte vidéo présentant le ou la designer, ce qui enrichit considérablement notre connaissance de la personne qui est à l'origine du vêtement.

Rencontré au vernissage de l'exposition, hier, M. Jacques de Montjoye racontait à La Presse l'attachement qu'il avait pour une des deux tenues qu'il a accepté d'exposer, un ensemble de soirée qu'il avait créé pour sa maman, à partir d'un sari.

Helmer nous a pour sa part entretenu des défis techniques que lui avait posés l'extravagante robe en papier fabriquée dans le cadre du 10e anniversaire du Festival mode et design, à partir de vieux programmes de l'événement. Le créateur s'apprête d'ailleurs à présenter un véritable défilé de haute couture pendant la Semaine de la mode de Montréal, chose rarissime au Québec. On vous en reparle à la fin septembre.

L'exposition Le Musée sort ses griffes est présentée au Centre Eaton jusqu'au 3 octobre.