Ils ont beau être à peine sortis de l'enfance, ils sont devenus les nouvelles figures de proue inattendues de l'industrie de la mode: les jeunes bloggeurs occupent les premiers rangs à la Fashion week et travaillent avec les plus grands magazines et les plus grandes marques de prêt-à-porter.

Lorsqu'elle a commencé son blogue, «Sea of Shoes», il y a trois ans, Jane Aldridge, une Américaine âgée aujourd'hui de 18 ans, ne pensait pas atteindre les 70 000 visites par jour. Des magazines comme «Vanity Fair» et «Teen Vogue» ont parlé d'elle. Elle a créé des chaussures pour la marque «Urban Outfitters» et, avec sa mère, un trench pour la marque «Gryphon».

La jeune fille fait partie de ces bloggeurs qui sont lus depuis deux ans par les rédacteurs en chef et créateurs, explique Jane Kelter, directrice de la rubrique mode du magazine «Teen Vogue». «L'année dernière, ça a explosé», dit-elle. Pour elle, les marques qui se sont associées aux bloggeurs ayant déjà une certaine audience sur la toile et une influence dans le monde de la mode ont bien joué.

La marque «American Apparel» a utilisé des bloggeurs dans ses publicités, comme Karla Deras, de «Karla's closet». Le créateur Marc Jacobs a donné le nom du bloggeur Bryanboy à l'un de ses sacs.

A tout juste 13 ans, Tavi Gevinson («Style Rookie») a fait la couverture du magazine «Pop» et a été vue dans de nombreux défilés de mode dans le monde. Ses critiques mode sont même apparues dans le très haut de gamme magazine «Harper's Bazaar».

Pourtant, l'influence de ces «bébés modeurs», et notamment de Tavi Gevinson, suscite des grognements. En décembre Anne Slowey (du magazine «Elle») déclarait au magazine new-yorkais «The Cut» que l'embauche de Tavi Gevinson par «Harper's Bazaar» lui semblait «un peu ridicule»: «Que peut donc m'apporter l'avis d'une personne de 13 ans sur la mode?».

Et Simon Doonan, directeur artistique de Barneys New York, qui dit respecter le travail et l'enthousiasme de ces bloggeurs, s'inquiète un peu de les voir recevoir autant d'attention à un âge si tendre.

«Quand on a 20 ans, c'est super de n'être personne: on peut se faire une idée de qui on est et ne pas trop attendre de soi», a-t-il estimé. Et faire sa place dans le monde de la mode réclame talent et maturité: «Il faut de la maturité pour gérer ce genre de «Je t'aime, je te hais» que la vie peut amener».

Face au buzz qu'elle a suscité en apparaissant à un défile de mode avec un large chapeau en forme de noeud, Tavi Gevinson a répondu sur son blog, en février: «il semble que face à cette violente réaction, beaucoup de gens ont perdu de vue ce pour quoi mon blogue est fait: le plaisir, non d'un chien!»

C'est cette touche très personnelle du blog qui fait sentir aux consommateurs qu'ils peuvent donner leur avis sur la mode, a estimé John Gerhardt, directeur artistique de la chaîne de luxe Holt Renfrew. Pendant l'été, la chaîne a créé des vitrines inspirées par le travail de six bloggeurs de mode, dont Jane Aldridge. «Nous y avons vu une vraie tendance en terme de communication sur la mode», a-t-il commenté.

Face à la multiplication des blogs de monde, il estime que ceux qui sortent du lot et «gagnent une certaine popularité (...) ont l'oeil»: «On peut voir ça chez ceux qui arrivent au sommet».

Amoureuse de la mode vintage, Jane Aldridge dit avoir utilisé son blog comme un exutoire pour son obsession de la mode, que ne partageaient pas les autres jeunes de Trophy Club, sa petite ville à environ 50km de Dallas. «Ici, je me sentais isolée dans mon amour de la mode».

Sur son blogue, on voit surtout des photos d'elle, prises dans sa maison ou dans les bois environnants, avec ses propres associations de vêtements: Elle dit trouver l'inspiration en restant loin de hauts-lieux de la mode comme New York, et en se créant «son petit monde personnel».

Scolarisée à la maison pour sa dernière année de lycée, Jane Aldridge consacre quatre jours par semaine à son blog, pendant plusieurs heures par jour, explique-t-elle. Elle se dit heureuse de cette vie centrée sur cette activité, et les opportunités qu'elle créee. Comme sa participation au bal du Crillon à Paris, habillée en Chanel. «Je ne suis pas vraiment sûre que je pourrais avoir une vie normale», conclut Jane Aldridge.

Sur le net:

Le blogue de Jane Aldridge: www.seaofshoes.com