Créations futuristes inspirées de l'espace, parfums légendaires, costumes de théâtre, restaurants, meubles ou accessoires en tout genre: en 60 années d'une activité intense et ininterrompue, l'empire de Pierre Cardin s'est étendu au monde entier, très loin de la petite maison de couture qu'il a fondée en 1950 à Paris.

«J'ai toujours voulu être moi-même, populaire et commercial et j'ai vécu sur mon talent», explique dans un entretien à l'Associated Press celui qu'on considère comme l'inventeur du prêt-à-porter. Cette volonté farouche de se démarquer semble être le moteur de sa réussite tant en France qu'à travers le monde. Fait unique dans l'histoire de la mode, le couturier détient 100 pour cent de sa maison de couture.

Car, à l'instar d'un peintre ou d'un romancier, Cardin souhaite qu'on identifie son travail du premier coup d'oeil et n'a jamais masqué sa soif de réussite. «Oui, je suis ambitieux, je veux qu'on me reconnaisse. C'est pourquoi je n'ai jamais imité le passé», avance-t-il avec sa fébrilité légendaire, tout en reconnaissant qu'il a parfois été incompris.

«C'est mon côté Pierrot lunaire, et j'en ai parfois été triste, mais je me souviens du nom de ceux qui m'ont décrié pour m'encenser dix ans plus tard», glisse dans un sourire celui qui a vu le jour près de Venise le 2 juillet 1922.

C'est dans son imaginaire sans borne que le couturier a rencontré ses muses. Après un passage chez Paquin et Schiaparelli après-guerre, une rencontre avec Jean Cocteau lui permettra de créer les costumes de La Belle et la bête, avant de rejoindre Christian Dior en 1946.

En créant sa propre maison en 1950, il rêvait déjà «à ce que serait la haute couture dix ans plus tard» et créait très vite ses premiers modèles inspiré du cosmos, des planètes ou des premiers satellites. Cardin fut aussi l'un des premiers à penser à un vestiaire exclusif pour l'homme.

Toujours en avance, il pressent la potentialité du marché chinois dès son premier voyage dans le pays en décembre 1978. «Partant du principe où il y a 40 boutons environ dans un vêtement, j'ai multiplié ce nombre par le nombre de Chinois», raconte-t-il le plus sérieusement du monde pour justifier son incursion dans l'ancien bastion communiste où il organisa un défilé sur la Grande muraille. Il réitérera l'opération sur la Place rouge à Moscou devant 200 000 spectateurs en juin 1991.

Distingué dans le monde par une quarantaine de prix, médailles et autres titres honorifiques dont le dernier est la prestigieuse Style Etoile Award du Savannah College of Arts and Design (SCAD) en avril 2008, Pierre Cardin, 87 ans, se dit fier de faire travailler quelque 200 personnes dans ses ateliers et indirectement des milliers d'autres à travers ses 800 licences exclusives dans le monde.

«Il me faudra un jour passer le relais, mais en attendant je viens chaque jour aux ateliers», dit-il, en souhaitant que la mort, elle, ne vienne que «le plus tard possible»...

À l'occasion de cet anniversaire, l'un des temps forts de la Semaine de la mode qu'il célébrera lundi dans son restaurant parisien «Maxim's», un beau livre intitulé Pierre Cardin 60 ans de création (Ed. Assouline) de Jean-Pascal Hesse est en vitrine. L'ouvrage, richement illustré de photos d'archives maison, retrace le parcours hors pair du doyen de la mode française.