Paillettes, épaules et dos nus... Les créateurs qui défilent à la Semaine de la mode de Karachi, la gigantesque capitale économique du Pakistan, entendent montrer l'«autre» Pakistan, bravant les kamikazes talibans et les attentats sanglants.

Ces dernières semaines, le rythme de ces attaques, qui ont déjà fait plus de 2.400 morts en un peu plus de deux ans, s'est intensifié, forçant les organisateurs à repousser de trois semaines cet événement annuel très attendu dans la mégalopole de 14 millions d'habitants, dans le sud du pays.

Karachi, avec Lahore dans l'est dans une moindre mesure, est une sorte d'exception, la ville la plus «moderne» de la République Islamique du Pakistan qui affiche, ailleurs, des atours plutôt puritains: de l'épaisse burqa portée par presque toutes les femmes dans les zones tribales du nord-ouest, aux longues tuniques doublées d'un large pantalon dans le reste du pays.

Les fashionistas de Karachi se pressent depuis mercredi et jusqu'à samedi aux portes de l'hôtel Marriott, malgré un imposant dispositif de sécurité qui dissuaderait quiconque de s'approcher en d'autres occasions.

C'est pourtant le Marriott d'Islamabad, la capitale, qui avait été détruit le 20 septembre 2008 dans un attentat suicide au camion piégé. Soixante personnes avaient péri et plus de 250 avaient été blessées.

«Nous vivons dans un pays magnifique et la grande majorité de ses habitants sont tolérants et pacifiques et ça, c'est le message que nous voulons faire passer dans le monde entier», s'enorgueillit Ayesha Tammy Haq, qui dirige Fashion Pakistan, l'organisateur de l'événement.

«Nous sommes fiers d'organiser cet événement coloré à l'un des pires moments de notre Histoire, quand la Nation entière combat l'insurrection islamiste», ajoute-t-elle, alors que le Pakistan est régulièrement à la Une de la presse internationale avec des photos sanglantes.

Les huit premiers stylistes qui ont ouvert la Semaine de la mode ont jonglé avec les parements à l'occidentale et les habits traditionnels pakistanais, au cours d'un défilé de mannequins locaux marqué par une profusion de couleurs.

«La philosophie de ma collection, c'est la diversité, le mélange des influences occidentales et orientales», s'enthousiasme Fahad Hussain, jeune styliste au talent prometteur, qui multiplie les accessoires et les silhouettes déroutants.

«Je crée pour des clientes qui veulent célébrer leur féminité tout en affichant leur indépendance», explique Samar Mehdi, une autre styliste, dans un registre qui peut sembler encore décalé pour une grande majorité de femmes pakistanaises.

Nadia Hussain, l'une des tops modèles les plus célèbres du Pakistan, qui est également dentiste, n'est pas opposée, elle, à une certaine retenue quand elle voit défiler, ailleurs dans le monde, des consoeurs arborant des tenues qu'elle juge indécentes.

«La censure n'est pas forcément un mal, elle permet de préserver nos valeurs et notre culture», commente-t-elle. «Mais un petit peu plus d'espace de liberté permettrait de développer la créativité de notre industrie» de la mode, tempère la jeune femme.

La Semaine de la mode de Karachi doit permettre à 32 stylistes pakistanais de se produire. L'événement, qui se voulait international, sera malheureusement privé des mannequins et couturiers étrangers, mais aussi des clients potentiels, effrayés par les risques d'attentats.