On leur rase les mollets, on les coiffe au bol et ils gagnent deux à trois fois moins que les femmes: dans les coulisses des défilés milanais, les mannequins hommes racontent un quotidien pas toujours rose, mais aussi l'adrénaline du podium et le prestige du métier.

«J'adore défiler, c'est une expérience vraiment unique, mais ce qui me plaît beaucoup moins c'est quand je dois me raser les jambes, surtout que j'ai pas mal de poils», confie à l'AFP Daniel, jeune mannequin britannique de 19 ans qui remonte la jambe de son jeans pour exhiber un mollet effectivement poilu.«Le maquillage ça va encore, on ne nous en met pas trop et le fond de teint s'enlève d'un coup de kleenex, mais me raser les jambes je déteste! D'abord parce que je dois le faire moi-même, et puis surtout parce que c'est très désagréable quand les poils repoussent. Heureusement qu'on ne me le demande pas souvent», soupire-t-il en nouant ses baskets en backstage après le défilé de la marque italienne Frankie Morello.

Pour le défilé Vivienne Westwood, Jeremy, un Américain à la peau mate, n'a pas eu le choix: «comme je devais porter ce bermuda j'ai dû arriver rasé, même les cuisses, ça me fait des jambes de fille!», s'exclame-t-il.

Passée l'épreuve du maquillage, reste celle du coiffage qui se contente généralement d'ébouriffer, de plaquer ou de colorer temporairement les cheveux, même si pour le défilé Jil Sander les mannequins ont dû subir la coupe au bol.

«Je m'en fiche des désagréments, si je fais mannequin c'est aussi pour mettre un peu d'argent de côté, je gagne entre 800 et 900 euros nets par défilé, ce qui n'est pas énorme. Pour gagner plus il faut être connu ou bien réussir à faire des publicités», explique Danilo, 18 ans, grand brun aux yeux noirs et mannequin (italien) depuis deux ans, à la sortie du défilé Dolce&Gabbana.

Daniel le Britannique indique toucher environ mille euros nets par défilé, «aussi bien à Milan qu'à Paris, et au total je vais faire une vingtaine de défilés cette saison. C'est correct sauf si on compare avec les mannequins femmes qui gagnent deux à trois fois plus que nous pour la même prestation», renchérit-il.

D'autant que le cachet ne prévoit ni voiture avec chauffeur (ni vêtements griffés offerts d'ailleurs) et que c'est en métro - voire en skateboard! - que les modèles se rendent au défilé suivant.

En coulisses, ce n'est pas non plus le grand luxe: chaque jeune homme dispose d'une chaise à côté du portant nominatif où sont accrochés les vêtements qu'il doit porter. Certains traînent en tongs - «c'est plus confortable pour attendre le défilé que les chaussures qu'on nous fait mettre» - d'autres dorment à même le sol.

«Si je défile c'est pour le fun, cette excitation que l'on a en arrivant sur la passerelle, mais financièrement parlant ce n'est pas super intéressant quand on ne fait pas beaucoup de défilés comme moi», souligne Tristan Knights, 22 ans, qui vient de Hollande «mais est à moitié Anglais».

«Etre mannequin c'est un métier, voire le seul où les hommes gagnent moins que les femmes», confirme Mario Boselli, président de la Chambre italienne de la mode.

«Le phénomène de «super top modèle» homme est arrivé beaucoup plus tard que chez les femmes, et aujourd'hui dans un cas comme dans l'autre, c'est un peu fini. Quelques mannequins très bien payés et les autres beaucoup moins, c'est une situation qui a pratiquement disparu», estime-t-il.

Mais selon lui, «il y aura toujours une différence entre les mannequins homme et femme, dans la mesure où les tops masculins sont plus proches des hommes «normaux» et qu'il est plus facile de s'identifier à eux».