La Semaine de mode de Montréal (SMM) a clos jeudi dernier son 15e chapitre. Pas aussi exaltante qu'on l'aurait espéré - où étaient les Rudsak, Dubuc, Morales, M Siamo? -, elle a tout de même fait éclore plusieurs belles collections printanières. Réservée aux professionnels de l'industrie, la SMM est un carrefour saisonnier pour apprécier le talent des créateurs locaux.

Découverte

On se souvient d'Éliane Guindon pour ses nombreuses collaborations artistiques avec des designers de mode comme Denis Gagnon, Ève Gravel et Falbala. La plus marquante a sans aucun doute été avec Marie Saint Pierre. Il y a quelques saisons, cette dernière a imaginé une robe taillée dans un tissu immaculé imprimé d'une fleur gigantesque peinte par Éliane. Aujourd'hui, cette diplômée du Centre de recherche et de design en impression textile de Montréal ajoute le ciseau à sa panoplie de pinceaux pour créer elle-même une collection de vêtements. Sa matière de prédilection? La soie, tellement légère et aérienne qu'on la sent à peine sur la peau. Si ses silhouettes sont épurées à souhait et que le design gagnerait à être peaufiné, l'intérêt de cette collection réside davantage dans les imprimés floraux abstraits peints à la main. Ceux-ci donnent vie à chaque pièce, surtout lorsqu'ils s'affichent de façon tridimensionnelle avec des appliques de tissus effilochés. Une véritable poésie à porter.

Design made in Canada

Quelques créateurs canadiens sont venus présenter leurs collections sur la passerelle. Nous avons retenu l'audace d'Evan Biddell, natif de l'Alberta et grand gagnant de l'émission de télé Project Runway Canada. Sa collection taillée dans des matières renouvelables joue avec des références streetwear et s'adresse à une femme qui n'a pas peur d'oser. Plus glamour que son collègue, Lucian Matis, 29 ans, propose un style à la fois tonique et féminin. D'origine roumaine, diplômé de l'Université Ryerson, il est installé à Toronto depuis 1999. Lui aussi a été finaliste à l'émission Project Runway. On aime la façon dont il utilise la soie fine, les imprimés floraux pixélisés et les incrustations de perles.

La mode pour une cause

L'industrie de la mode a fait front commun contre le cancer durant la SMM. Au programme: Design d'ici, vedettes et gros sous pour deux causes chères aux femmes. D'abord, Andy Thê-Anh a marqué son retour à la SMM avec un défilé-bénéfice au profit de la Fondation du cancer du sein du Québec. Le designer avait convié une panoplie de célébrités québécoises à participer à son défilé. Habillées avec de magnifiques robes signées par le créateur, les Esther Bégin, Anne Dorval, Mitsou, Karine Vanasse et plusieurs autres ont lu un texte rédigé par une survivante du cancer en guise de présentation.

Autre défilé original, celui de La Diva. Une vingtaine d'artistes québécoises ont été jumelée à des designers de la relève du Laboratoire créatif (un regroupement qui vise à accompagner et soutenir le développement des entreprises de mode au Québec). Le défilé a permis d'amasser 5000$ pour le programme Belle et bien dans sa peau (ateliers beauté pour les femmes atteintes du cancer), en plus d'attirer l'attention sur des talents prometteurs.

Parmi eux, Guillaume Laplante, qui a créé une robe glamour d'inspiration années 30 pour Claudine Prévost. La précision dans la coupe et la qualité de la confection peuvent servir d'exemple à plusieurs designers déjà établis.

Chez les artistes, Anne-Marie Cadieux a été éblouissante dans sa robe extravagante ornée de plumes et au dos bijouté signée Virginie Lemieux. Finalement, Pénélope McQuade a été sublime de simplicité avec une longue robe de soie affichant le visage de Maria Callas peint à la main par Éliane Guindon.

Simon Chang honoré

Simon Chang a présenté quelques-unes de ses tenues de soirée dans le cadre d'un défilé collectif du Centre international de mode de Montréal. Une occasion aussi de souligner l'honneur décerné au créateur. Le 10 octobre dernier, Simon Chang a rejoint Jean-Claude Poitras, Léo Chevalier et Michel Robichaud au panthéon des designers de mode membres de l'Ordre du Canada. Le créateur, qui contribue au rayonnement de la mode canadienne depuis maintenant 25 ans, s'occupe aussi de son oeuvre philanthropique, la Fondation Simon Chang&Phyllis Levine (qui soutient la recherche et les soins palliatifs pour le cancer du sein, en plus de distribuer des bourses de design à des étudiants au pays).

Photo: Jimmy Hamelin

Envers par Yves Jean Lacasse

Grandes tenues

Plus question de snober les designers québécois quand vient le temps de s'habiller très chic, puisque plusieurs créateurs de chez nous ont présenté de fabuleuses robes. Nos propositions: une robe bustier complètement architecturée de l'intérieur et semée de fleurs bleuesde chez Muse; une longue robe style déesse en soie chocolat au corsage élastique et dos dénudé de chez Envers par Yves Jean Lacasse; une robe bustier à jupe ample argentée de Rush Couture ou encore une sinueuse robe fourreau en jersey drapé signée Andy Thê-Anh.

L'homme selon Balbec

Après Sean Combs et sa marque Sean John, Russell Simmons et Phat Farm, c'est au tour de notre rappeur québécois K-Maro de jouer les designers avec sa nouvelle griffe Balbec. T-shirts imprimés façon rock star, le jean dans toutes ses déclinaisons, des pulls zippés et des complets un peu trop traditionnels. Si la marque ne réinvente rien, elle a toutefois le mérite de présenter quelques vêtements intéressants, comme ce veston sport à revers liséré d'un biais contrastant à porter sur un jean foncé.

Dinh Bà version luxe

Le jeune créateur Dinh Bà Nguyen a présenté une collection fidèle à son image. Pas trop dépaysant donc pour sa clientèle de jeunes professionnelles qui aiment les mariages inusités de matières et l'association fluidité-rigueur. Si les asymétries, la transparence et les imprimés abstraits qui ont fait sa marque étaient au rendez-vous, on a également remarqué quelques pièces impressionnantes issues d'un répertoire plus artisanal. Le designer a travaillé la résille imprimée sous forme de tricot grossier, voire rustique, pour enjoliver ses bustiers, camisoles et robes. Cette maille techno donne un caractère fait main résolument unique à la collection. Ces vêtements seront disponibles sur commande uniquement à l'atelier-boutique du designer, rue Amherst.

En vrac

> Marie Saint Pierre voit la vie en rose cette saison. Rose pâle ou fuchsia, entièrement ou simplement en accent, cette couleur ponctue de fraîcheur la collection. La créatrice revisite ses matières chouchous et la robe tient la tête du podium, en version de jour en jersey enveloppant ou en version cocktail ou du soir embellie par des cascades bouillonnantes de taffetas froissé et de tulle. Des pièces intemporelles, comme toujours.

> Bling-bling de star: la comédienne-chanteuse Caroline Néron joue avec succès la designer de bijoux depuis quelques saisons. Ses créations se retrouvent dans plus de 140 points de vente. Elles ont été présentées à la SMM sous forme de défilé dansant. Un brin désuet comme présentation (avec déguisements, perruques et mise en scène), mais les bijoux valent qu'on s'y attarde. On a aimé les délicats colliers multirangs garnis de cristaux Swarovski.

Une cause à la mode

Le 28 octobre, on revient en mode automnal et on se rend au Centre des sciences de Montréal pour assister à la présentation des collections des Philippe Dubuc, Marie Saint Pierre, Nadya Toto,

Muse par Christian Chenail, Envers par Yves Jean Lacasse et Véronique Miljkovitch dans le cadre de la troisième activité-bénéfice, Fashion for Humanity. Ce happening, animé par la reporter culturelle Alexandra Diaz, marie habilement mode et musique. La culture latine sera à l'honneur cette année. Les profits de la soirée seront versés à l'organisme humanitaire Le Monde par la main qui oeuvre auprès des enfants des bidonvilles du Pérou.

Les billets (25$ à 35$) sont en vente sur Admission (514-790-1245 ou admission.com). Info et réservation: info@fashionforhumanity.ca