Elle est encore jeune, pourtant, son entreprise Agence Ka fête son 10e anniversaire cette année. Partie de presque rien, mais avec une volonté d'enfer, Katia Dion représente aujourd'hui une jolie brochette de designers québécois aux quatre coins du pays. Regard sur le métier exigeant et méconnu d'agente de designers.

Elle nous accueille dans sa salle de démonstration de 1700 p2, rue Chabanel. Des mannequins portent des créations d'Ève Gravel ou d'Annie 50. Les collections d'automne-hiver 2013 de Kollontaï, BodyBag by Jude Clothing et d'autres designers représentés par Katia Dion occupent une partie de l'espace, dûment identifiées.

C'est ici que les clients de l'Agence Ka rencontrent Katia Dion et son équipe de représentantes, lorsque ces dernières ne sont pas sur la route, à participer à des événements de l'industrie ou à la rencontre de propriétaires de boutiques à Québec, Toronto, Calgary ou Vancouver. Leur but? Faire découvrir - et vendre, bien sûr! - les nouvelles collections des designers.

Katia Dion est à la tête de l'Agence Ka, qu'elle a fondée il y a une décennie. Mordue de mode, avec un flair indéniable pour le style et un talent certain pour la persuasion, elle a défoncé, à coup de volonté et de détermination, bien des portes. Si son job est de vendre aux boutiques canadiennes les créations de «ses» designers, sa mission est aussi de faire rayonner le design québécois.

«Au départ, je n'étais pas une gestionnaire, je suis partie de mon instinct, explique celle qui a étudié en commercialisation de la mode au collège LaSalle. Je ne comprenais pas pourquoi les designers québécois n'étaient pas présents dans les boutiques. C'est vrai qu'il y a 10 ans, ce sont plutôt les designers haut de gamme qui étaient connus. Je voulais faire mentir la croyance que les vêtements québécois n'étaient pas accessibles. J'ai montré qu'ils pouvaient faire compétition aux marques d'ailleurs», raconte-t-elle.

Des débuts modestes à une agence nationale

Tout a commencé avec les marques Slak et Kollontaï. Durant ses études, Katia Dion se sert des pièces de ces designers, avec qui elle entretient des liens étroits, pour monter différents projets scolaires: défilés de mode, projets de vente, etc. Parallèlement, elle travaille dans les bars pour payer ses études, où elle développe un bon réseau de contacts - un travail qu'elle continue d'occuper en parallèle et qui lui a permis d'amasser les sous pour démarrer sa propre entreprise... et survivre!

Au départ, elle l'avoue, la profession de représentante l'intéressait peu. «Ça ne me disait vraiment rien! J'avais un préjugé contre la vente. Mais je savais que je ne voulais pas avoir de patron... Je n'avais pas le choix: je devais me rendre dans les boutiques pour essayer de vendre des vêtements. Finalement, je me suis rendu compte que j'étais bonne: je défonçais des portes, je réussissais à convaincre des boutiques de prendre les produits de mes designers», relate-t-elle.

Aujourd'hui, l'Agence Ka représente neuf designers partout au Canada, dont Annie 50, Ève Gravel et Rachel F.. «Je suis la seule agence à avoir un portefeuille de designers québécois accessibles, et à être capable d'en vivre. Nous faisons aussi un gros travail pour aider nos détaillants et nos boutiques, en leur offrant le plus de publicité possible via nos réseaux sociaux», ajoute-t-elle.

Se créer un réseau national

Katia Dion a parcouru le Canada d'est en ouest plusieurs fois, dans d'éreintantes tournées pour rencontrer des clients établis et potentiels, afin de les convaincre d'acheter quelques pièces des nouvelles collections de ses designers. Une tâche pas toujours évidente:«Il faut être réaliste: le marché au Canada pour les vêtements de designers se trouve surtout dans les grosses villes comme Toronto et Vancouver. On a bien essayé de développer un peu à Winnipeg et Saskatoon, mais ça demeure très conservateur. On s'entend: le legging n'est même pas rendu dans les Prairies, c'est pour dire!», lance-t-elle en riant.

À l'entendre, on comprend que son travail est affaire de passion, mais surtout, de détermination et de patience. Garder le contact avec les clients, convaincre de nouveaux joueurs, gérer les refus, être toujours sur la route... «Des fois, tu as le goût de brailler! Mais il ne faut pas se décourager. Des boutiques qui ne voulaient rien savoir au départ finissent parfois par me recontacter. Le secret, c'est le suivi!»

Aujourd'hui, Katia laisse une partie du travail sur la route à ses représentantes, même si elle voyage encore énormément pour entretenir ses liens d'affaires. Mais la gestion occupe de plus en plus de son temps:«Je veux parler chiffres, donner des objectifs, continuer à développer notre réseau. On ne va pas s'arrêter là!», lance-t-elle tout en nous faisant visiter son bureau. Sur un mur trône un grand tableau noir où sont tracés à la craie les objectifs pour chacun des designers.

La relation qu'elle entretient avec «ses» créateurs est aussi primordiale. «J'aime passer du temps avec eux et leur donner le pouls de notre réalité, du côté de la vente. Parfois, cela aide à leur donner une direction, car la création et le commerce sont deux choses bien différentes qui doivent arriver à se compléter. Il ne suffit pas de créer de beaux morceaux trippants: il faut aussi savoir à qui ils s'adressent et où on pourra les vendre!», conclut-elle.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

En plus du grand tableau où figurent les objectifs de vente, Katia Dion veut agrandir son réseau de distribution.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Une des choses que Katia Dion adore de sa profession est de pouvoir voyager dans tout le pays.