On parle souvent d'immigration dans les médias, pour toutes sortes de raisons, mais pas assez souvent pour remercier tous ces gens qui ont choisi de venir s'installer ici avec leurs talents uniques.

Aujourd'hui, j'aimerais dire, par exemple, à quel point la vague française de la dernière décennie a amené ici des connaissances formidables dans tous les secteurs. En finances, en journalisme, en médecine, en techno, en enseignement, en génie, en droit, en tout! Et aussi, bien évidemment, en cuisine.

Cela n'est pas un nouveau phénomène. On sait tous que les Français venus s'installer au Québec ont créé, façonné, développé, fait avancer la gastronomie depuis toujours. Mais ça continue. La liste est trop longue, bien entendu, pour qu'on les nomme tous, mais parmi eux, il y a Jérémy Daniel-Six, copropriétaire du bistro Rosie avec sa conjointe, Sophie Duchastel de Montrouge.

Daniel-Six, vous le connaissez peut-être déjà. Il était derrière le comptoir au micro-resto La Famille, ensuite en cuisine chez Ma'tine, dont la fermeture avait laissé tout le monde un peu orphelin. Jérémy, c'est celui qui a toujours une tuque ou un foulard pour contenir des cheveux qu'on ne voit jamais, mais qu'on s'imagine volumineux.

Jérémy, c'est un gars qui a travaillé, quand il était encore en France, au Chateaubriand d'Inaki Aizpitarte, restaurant parisien mythique de la cuisine française actuelle. Et ce n'est pas un truc qu'il a mis dans son CV après y avoir passé deux semaines et quart comme d'autres le font souvent. On le sait parce qu'Aizpitarte lui rend visite quand il vient ici. Et aussi parce que sa cuisine nous le rappelle à chaque bouchée. Dans cet établissement de Rosemont, de la rue Bélanger, où de toute évidence on n'a pas investi des millions dans la déco, où le marketing passe uniquement par la gentillesse de l'accueil et la qualité de l'assiette et des crus, on mange supérieurement bien.

C'est créatif, c'est professionnel, c'est ancré dans les saisons. On y rend hommage aux producteurs sans se cacher derrière eux. On met leurs produits en valeur avec savoir-faire. On va à la recherche de saveurs exotiques quand il le faut, parce qu'on ne vit pas en autarcie. Et l'équilibre de toutes ces forces en présence est impeccable. Sans parler de la carte des vins, surtout naturels, surtout artisanaux, choisis par Sophie pour encadrer et propulser tout ça.

Qu'y mange-t-on?

Comme on est en plein hiver, on fait actuellement une jolie place aux agrumes, en commençant par la main de Bouddha, ce fruit quasi tentaculaire sans pulpe, tout en zeste, dont la qualité appréciable est de n'exprimer aucune amertume. C'est en dés minuscules qu'il vient ponctuer, par exemple, une assiette de bajoues de cabillaud aux poireaux, où les morceaux de poisson sont déposés sur une gelée diaphane au lait de cuisson.

Dans ce plat, on est à la fois en hiver, avec le poireau blanchi, en voyage, grâce au parfum d'agrume, sur la mer, dans la terre... Le genre de plat qui donne le ton à un repas sans la moindre banalité, mais sans fausse note non plus.

De la même façon, du galanga, une racine aromatique évoquant le gingembre, vient ponctuer un potage aux marrons et au topinambour. Ne me dites pas que vous vous attendiez à ça. Le potage est onctueux, garni de bons morceaux de légume-racine et le galanga, juste parfumé, trouve totalement sa place, entre les évocations d'artichaut du tubercule et les notes boisées du marron.

En troisième entrée, nous avons aussi essayé une salade qu'on avait appelée «Comme une César». Sucrines - mini-romaines -, lichettes de parmesan, câpres séchés, mini-croûtons, mais surtout, surtout, spectaculaire vinaigrette au gingembre et au citron vert. C'est quand la dernière fois que vous avez terminé une salade en essuyant la sauce avec le doigt?

En plat principal, on a opté pour l'omble de l'arctique et une assiette de chapon (un poulet).

Laqué avec un jus de betterave aigre-doux, le poisson fondait en bouche, relevé par les pointes acides de quelques quartiers de clémentine et déposé sur une purée de betterave d'un rouge spectaculaire.

Le chapon, de son côté, côtoyait quelques choux de Bruxelles et des dés de saucisson génois, alors que sa sauce mettait en vedette les arachides et le combawa, un autre agrume, vert celui-ci, aussi méconnu que parfumé. Chaleureux, surprenant.

Au dessert, le pot de chocolat blanc propose plusieurs étages de crème et de mousse au chocolat, bien sûr, mais aussi au fruit de la passion, avec concassé de meringue au poivre de Sichouan pour couronner le tout. Une combinaison élégante, à la fois riche et vitaminée, pour clore un repas franchement très chouette à prix doux.

Le restaurant Rosie est fermé jusqu'au 6 février.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Dans cet établissement de Rosemont, de la rue Bélanger, où de toute évidence on n'a pas investi des millions dans la déco, où le marketing passe uniquement par la gentillesse de l'accueil et la qualité de l'assiette et des crus, on mange supérieurement bien.

Bistro Rosie. 1498, rue Bélanger, Montréal, 514 303-2010

https://www.instagram.com/bistro.rosie/

Notre verdict

Prix: Tous les prix incluent le pourboire. C'est une politique de la maison. La formule est simple. On choisit deux (44 $), trois (55 $) ou quatre plats (66 $), et seuls les vins et les taxes sont ajoutés.

Carte des vins: Soigneusement choisie par la copropriétaire Sophie Duchastel, la carte est constituée essentiellement de vins naturels, bios, artisanaux. On se laisse guider par ses conseils, surtout pour le vin au verre, offert notamment selon les ouvertures de bouteilles du jour.

Service: Efficace, souriant.

Décor et atmosphère: Décor sobre, avec chaises dépareillées, tableau noir et cuisine ouverte. Faune du quartier, de type baby-boomer cherchant à éviter les m'as-tu-vu et qui a envie de s'entendre parler en mangeant très bien.

On aime: Qualité de la cuisine et des vins.

On aime moins: On tient à faire deux services, donc réservations tôt ou tard.

On y retourne? Absolument.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Jérémy Daniel-Six, copropriétaire du bistro Rosie avec sa conjointe, vous le connaissez peut-être déjà. Il était derrière le comptoir au micro-resto La Famille, ensuite en cuisine chez Ma'tine, dont la fermeture avait laissé tout le monde un peu orphelin.