Dès la première cuillerée de ma soupe à la courge, j'ai tout de suite su que ce repas serait réussi. Probablement l'effet de la citronnelle... C'était à la fois savoureux et exotique et réconfortant et fin. Qu'attend-on de plus pour un brunch en plein hiver?

La dernière fois que j'ai souri comme ça devant un improbable plat de petit-déjeuner tardif et copieux, c'était, je pense, au bar à nouilles Koya, à Londres, où l'on sert des oeufs frits et du bacon déposés sur un bouillon aux nouilles udon. Grandiose. Que 2018, je nous le souhaite, soit ainsi faite de surprises réussies, de sorties de routes calculées, d'expériences heureuses.

Ne sommes-nous pas prêts pour du nouveau?

Du nouveau, il y en a au Fieldstone, un restaurant que j'ai beaucoup aimé. Je sais, je sais, le nom est en anglais, pas besoin de m'envoyer des courriels parlant de la loi 101 et de «bonjour-hi» pour me l'indiquer.

Reste que la cuisine y est précise et sympathique, finement ciselée et magnifiquement présentée, et que j'y retournerais volontiers pour essayer le menu dégustation qu'on y servira les soirs, dès 2018. Et, bien sûr, il sera sur ma liste de recommandations pour le brunch en cette nouvelle année.

Que choisir?

D'abord la fameuse soupe à la citrouille, crémeuse et parfumée avec non seulement de la citronnelle, mais aussi du gingembre et du curcuma frais, du galanga... Lorsque j'ai demandé au chef, Chanthy Yen, la recette de ce petit miracle, il m'a expliqué que la base aromatique était typiquement cambodgienne, le pays d'origine de la famille de cet Ontarien qui a bifurqué vers la Colombie-Britannique avant de se poser dans le Mile End, à deux pas du Maïs et de toutes les boîtes de techno de ce quartier montréalais.

Ensuite, il faut goûter à la salade de poire, où de belles tranches fines de gros radis asiatiques, délicatement bordées de violet, accompagnent des morceaux de poire sucrés, tandis que craquent sous la dent des grains de millet soufflés. Un peu de fromage Oka râpé semble neiger sur tout cela, à peine secoué par l'acidité d'une pincée de sumac... L'assiette n'est pas copieuse, mais ravit par son élégance. À ne pas manquer.

Autre réussite: le saumon, dont la cuisson est absolument parfaite. Rose et moelleux, on le sert sur des croquettes de maïs bleu, coiffé d'oeufs pochés et accompagné de la fraîcheur parfumée du huacatay, une herbe que l'on retrouve partout dans la cuisine péruvienne. On en fait une sauce très verte qui évoque à la fois le pesto, la salsa verde, le chimichurri...

Les influences, vous l'aurez constaté, sont très métissées chez Fieldstone. Car non seulement le chef est d'origine asiatique et son associé, le maître d'hôtel Emiliano Rivera, d'origine mexicaine - la troisième membre du trio fondateur est la gérante Alanna Sager -, mais tous ont travaillé ensemble sur la côte Pacifique, à Vancouver, et en plus en Espagne, dans le cas de Yen. Bonjour, l'approche multiculturelle.

Au dessert, on reprend d'ailleurs un classique de la cuisine latino-américaine, le gâteau aux trois laits, où interviennent une pâtisserie végétalienne imbibée de lait épicé, du dulce de leche de lait de chèvre et de la poudre de cacahuète. J'attendais plus de cette pâtisserie qui doit normalement s'évanouir sous la fourchette, justement gorgée de lait. Le pain perdu de brioche aux épices, ultra riche, ultra moelleux, lui a clairement volé la vedette. Peut-être pas un dessert comme dans pâtisserie, trop robuste pour cela, mais certainement une excellente pièce de résistance sucrée dont aucun brunch de cette qualité ne saurait se passer.

PHOTO ÉDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Esturgeon servi avec riz noir et surmonté d'une tuile à l'encre de seiche du restaurant Fieldstone.

Fieldstone. 5427, boulevard Saint-Laurent, Montréal. 438 387-7197. fieldstonemtl.com

Notre verdict

Prix: Pour le brunch, les plats sont entre 9 $ et 16 $. La maison sert maintenant des repas dégustation le soir, avec des versions en trois (35 $), cinq (45 $) ou huit services (60 $)

Carte des vins: Très, trop courte

Service: C'est Emiliano lui-même qui assure gentiment et efficacement le service (dans un français impeccable).

Décor et atmosphère: La déco n'est pas compliquée et n'a probablement pas coûté une fortune, mais tout est de bon goût. On est dans un esprit très «Mile End» où le bois, le blanc, l'anthracite ont préséance.

Plus: La qualité de la cuisine, fine et originale et techniquement impeccable.

Moins: Encore un restaurant avec une cuisine ouverte et un problème d'aération...

On y retourne? Bien sûr!

Photo Edouard Plante-Fréchette, La Presse